Les 4 dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées en termes de températures depuis la deuxième moitié du 19e siècle selon le groupe de recherche américain Berkeley Earth. Le problème du réchauffement climatique se fait donc de plus en plus pressant.
La production de gaz à effet de serre est la grande responsable de cette augmentation des températures. 70 % de ces émissions découlent de notre consommation d’énergies fossiles, comme le charbon, le pétrole et le gaz. Afin de les réduire, il est primordial de diminuer la consommation de ces énergies fossiles et de favoriser la transition énergétique vers des énergies propres. La France est actuellement en retard sur cette réduction par rapport à ses voisins européens et surtout, par rapport à ses engagements.
Les pouvoirs publics ont ainsi présenté le 25 janvier la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie, aussi appelée PPE. Dans ce rapport, on peut découvrir les grandes orientations de la politique énergétique des 10 prochaines années afin d’assurer cette transition. Dans cet article, nous vous en présentons les grands points.
La Programmation Pluriannuelle de l’Energie : qu’est-ce que c’est ?
La Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) est le plan d’action des pouvoirs publics afin d’atteindre les objectifs de politique énergétique fixés par la loi. Son but est de construire une vision complète et cohérente de la place des différentes énergies dans la société française et de définir les grandes évolutions à mener. Elle a été élaborée par la Direction Générale de l’Energie et du Climat (DGEC).
Le but global des différentes mesures présentées est d’atteindre un objectif ambitieux en 2050 : la neutralité carbone. Il s’agit de l’équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre émis par l’homme et leur retrait de l’atmosphère avec notamment des puits de carbone naturels comme les forêts, les sols et les océans.
La baisse de la consommation d’énergie : une nécessité
La réduction de la consommation d’énergie est l’un des points les plus centraux de la PPE. En effet, cette diminution semble primordiale pour atteindre les objectifs fixés.
Diviser par deux la consommation d’énergie d’ici 2050
Afin d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, il faut diviser par deux la consommation énergétique du pays, tout en décarbonant massivement les énergies consommées. Le challenge est donc important.
Ces dernières années, on a déjà assisté à une baisse de 1,4 % par an de l’intensité énergétique de la France (la consommation d’énergie rapportée au PIB). C’est à dire que nous produisons autant de biens et de services avec moins d’énergie. Mais cette diminution est trop lente par rapport aux objectifs.
La baisse de la consommation ne doit pas être identique pour toutes les énergies. Il faut surtout une diminution significative de la consommation de pétrole et de charbon. La réduction de la consommation de gaz est également à prioriser, dans une moindre mesure.
Le sujet épineux de la fiscalité carbone
La fiscalité carbone est un des grands axes privilégiés pour accompagner cette baisse de consommation des énergies fossiles. Donner un prix au carbone peut permettre d’inciter les consommateurs à modifier leurs comportements. Toutefois, ce point a été grandement remis en question par le mouvement des Gilets Jaunes. On a donc peu de visibilité pour anticiper ce qui sera décidé en termes de fiscalité au cours des prochaines années.
Des bâtiments plus performants
Un autre axe majeur lié à la baisse de la consommation d’électricité est celui de la construction de bâtiments plus performants énergétiquement, intégrant des énergies renouvelables. En effet, le secteur du bâtiment est le premier consommateur d’énergie sur le plan national.
La PPE annonce notamment que les nouveaux bâtiments construits devront produire un minimum de chaleur renouvelable, que ce soit grâce à une chaudière biomasse, à une pompe à chaleur air/eau ou eau/eau, à un système solaire ou au raccordement à un réseau de chaleur renouvelable. Une autre ambition présentée par la PPE est la disparition des chauffages au charbon ou au fioul à l’horizon 2028.
En ayant des bâtiments plus performants, on pourra ainsi réduire la facture de chauffage des ménages les plus modestes, étant souvent ceux vivant dans des bâtiments peu performants énergétiquement, qualifiées de “passoires thermiques”.
La priorité aux véhicules électriques
La mobilité est également une problématique centrale de la transition énergétique. Afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre, de nombreuses transitions doivent être menées : changement de véhicules et de modes de transport, réaménagement des lieux de vie, développement des réseaux de transports en commun, augmentation du nombre de personnes par véhicule, etc. Le défi est donc conséquent.
La PPE annonce notamment l’arrêt de la vente de véhicules neufs émettant des gazs à effet de serre en 2040. Pour que cette mesure puisse être mise en place, il faut rendre plus attractifs les véhicules électriques. Le but est ainsi de passer de 43 000 véhicules électriques en France en 2017 à 1,2 million en 2023.
Favoriser le développement des énergies renouvelables
Afin de pouvoir réduire durablement les émissions de gaz à effet de serre et d’atteindre la neutralité carbone, il faut revoir l’intégralité du mix énergétique français et faire la part belle aux énergies renouvelables. Selon la PPE, il faut par exemple doubler la capacité installée des énergies renouvelables électriques en 2028 par rapport à 2017 et que les ENR représentent 40 % de la production nationale d’électricité en 2030, contre 17 % en 2017. Les principales filières mises en avant pour atteindre ces objectifs sont l’hydroélectricité, le solaire photovoltaïque et l’éolien terrestre.
Baisser fortement la consommation d’énergies fossiles
Afin d’atteindre les objectifs fixés, le constat est simple : il faut baisser de 20 % la consommation d’énergies fossiles d’ici 2023 et de 35 % d’ici 2028. Cette diminution passe notamment par une baisse de 80 % de la consommation de charbon d’ici 2028 et de 35 % de celle de pétrole.
C’est pourquoi les centrales électriques fonctionnant au charbon devraient être fermées d’ici 2022. Cette fermeture devait pourtant avoir lieu plus tôt, mais elle a été repoussée à la demande de RTE (Réseau de Transport d’Électricité) qui craignait de ne pas être prêt à temps pour éviter une pénurie d’énergie. Les chauffages au charbon et les chaudières au fioul devraient également être remplacées à l’horizon 2028.
La priorité aux énergies renouvelables
Pour compenser cette baisse de consommation des énergies fossiles, les énergies renouvelables sont primordiales. Leur développement est donc une priorité pour la PPE, comme le montrent les différentes mesures annoncées.
La chaleur renouvelable est notamment un vecteur essentiel de décarbonation. En effet, la chaleur représentait 42 % de la consommation finale d’énergie en 2016. Aujourd’hui, elle est essentiellement produite à base de gaz (40 %) et d’énergies renouvelables (21 %). Le résidentiel tertiaire représente 65 % de cette consommation. Il est donc primordial de faire grandir la part d’ENR dans la production de chauffage, notamment via la biomasse (le chauffage au bois).
La valorisation énergétique des déchets est également essentielle, avec notamment la captation de biogaz dans les installations de stockage de déchets.
Le développement de biocarburants respectueux de l’environnement est aussi un point clé de la PPE. En effet, il sera difficilement possible de remplacer l’intégralité du pétrole que nous consommons par de l’électricité ou du gaz. Certains secteurs comme le transport aérien et le transport maritime longue distance ont besoin d’autres alternatives. La recherche doit donc continuer en ce sens.
Le solaire, tête de file des énergies renouvelables
Le solaire s’avère être l’énergie renouvelable privilégiée par la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie 2019. La priorité est notamment donnée aux grandes centrales au sol, filière la plus compétitive du secteur. La solarisation des grandes toitures deviendra également peu à peu obligatoire. Le déploiement de la filière solaire devrait être rythmé par de nombreux appels d’offres.
L’énergie solaire photovoltaïque permet également d’envisager un développement de l’autoconsommation et la décentralisation de la production d’énergie. Ainsi, on peut imaginer que chacun devienne producteur de sa propre électricité à terme.
Remplacer le gaz naturel par le biogaz
Le gaz naturel est l’énergie fossile la moins carbonée. Il permet donc de réduire les émissions de gaz à effet de serre quand il se substitue à du pétrole, notamment dans le secteur des transports. Mais à long terme, il est essentiel de le remplacer par du biogaz ou du gaz de synthèse, des alternatives qui ne rejettent pas de CO2.
Le biogaz présente des avantages intéressants : il est facile à stocker, il peut être produit par les agriculteurs, représentant une source de revenus complémentaires pour eux, et il permet de valoriser les déchets. Malheureusement, les coûts de production du biogaz sont 4 fois supérieurs à ceux du gaz naturel. La baisse des coûts est donc primordiale afin d’opérer cette transition.
La sortie du nucléaire repoussée
La diminution de la production d’énergie via les centrales nucléaires est un sujet épineux. La Programmation Pluriannuelle de l’Énergie prévoit de réduire la part de cette énergie dans la production d’électricité totale à hauteur de 50 % en 2035. Afin de réussir, il faut fermer 14 réacteurs nucléaires. La centrale nucléaire de Fessenheim ouvre le bal avec la fermeture de deux réacteurs en 2020.
Cet objectif de 50 % était initialement censé être atteint en 2025, mais ce délai est considéré comme inatteignable aux yeux des auteurs du rapport. En effet, il faudrait selon la PPE s’exposer à des risques de pénurie dans l’approvisionnement d’électricité en France ou relancer la construction de centrales thermiques à flamme, action contraire aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
La PPE suggère même la construction éventuelle de nouvelles centrales nucléaires pour remplacer celles existantes, au delà de 2035, si d’autres alternatives pour produire de l’énergie décarbonée n’ont pas été trouvées. La sortie du nucléaire n’est donc pas imminente.
Orchestrer une transition qui préserve le pouvoir d’achat des consommateurs
Assurer la compétitivité des prix de l’énergie est un point clé de la transition énergétique. En effet, pour certaines activités industrielles, l’approvisionnement en électricité peut représenter jusqu’à 30 % des coûts de production. Des progrès sur les tarifs doivent donc être faits si l’on souhaite assister à une adoption plus massive. C’est également un enjeu clé pour le pouvoir d’achat des consommateurs.
À long terme, la transition énergétique devrait être bénéfique pour les ménages, avec notamment une réduction des factures d’électricité. Mais la période de transition peut s’avérer difficile, avec un coût des énergies propres plus élevé que celui des énergies fossiles. Des mesures doivent donc être mises en place afin de contrebalancer ces coûts plus importants. C’est pourquoi le chèque énergie sera notamment revalorisé à la hausse dès 2019.
Il est également important de mettre en place un accompagnement en termes d’emplois et de compétences. En effet, si certains secteurs vont se développer avec la transition énergétique, d’autres vont inévitablement décliner, avec des destructions d’emploi à prévoir.
Quelles conclusions en tirer ?
Comme vous avez pu le constater, la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie est un rapport dense. Quelles sont les grandes idées à retenir ? En voici trois.
Priorité aux ENR et notamment à l’énergie solaire
Afin d’atteindre l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050, le développement des énergies renouvelables est essentiel. En effet, leur importance dans le mix énergétique va être amenée à grandir de plus en plus.
Si elles doivent toutes être développées, l’énergie solaire est clairement la priorité des pouvoirs publics. En effet, il s’agit de l’énergie renouvelable la plus compétitive aujourd’hui. L’éolien terrestre est la deuxième filière la plus priorisée.
Le nucléaire comme variable d’ajustement
L’énergie nucléaire représente actuellement 75 % de la production d’électricité en France. La PPE prévoit une réduction de son importance dans le mix énergétique, afin de rendre celui-ci plus équilibré, sans toutefois envisager une sortie du nucléaire.
Ce dernier aura plutôt un rôle de variable d’ajustement du système afin d’éviter une surproduction d’énergie si le volume d’énergies renouvelables produites devenait plus conséquent que prévu. En effet, la production nucléaire sera plus simple à moduler, et pourra ainsi éviter un effondrement des prix du secteur de l’énergie.
Inquiétudes vis à vis d’une surproduction
La PPE 2019 génère des inquiétudes de la part de plusieurs acteurs du secteur de l’énergie. En effet, elle prévoit une augmentation des capacités de production d’énergie, alors que la demande devrait plutôt décroitre. C’est par exemple ce qu’explique Yves Marignac, directeur de Wise-Paris : “Le choix de développer les énergies renouvelables tout en prolongeant le nucléaire ne peut mener qu’à une lourde surproduction, dont on peut rêver qu’elle s’écoule à l’exportation, mais pas à des prix rémunérant ces moyens de production. C’est une spirale infernale de subvention, dont on risque de ne sortir qu’en mettant le frein sur les énergies renouvelables.”
Exporter l’excédent d’énergie produite peut effectivement être une option. Cette solution peut être rendue possible par la baisse de la production de charbon de nos différents voisins européens. Il y a donc une opportunité de marché pour revendre notre énergie. Mais ce scénario reste toutefois incertain.
Et vous, que pensez-vous de la PPE ?
Sur la plateforme Lendopolis, vous pouvez avoir un impact direct sur la transition énergétique et le développement durable en finançant vous-même des projets liés aux énergies renouvelables, comme des installations de centrales solaires. Vous êtes curieux ? Découvrez nos projets de financement participatif.