Il pourrait ne bientôt plus exister de vols en avion entre Bruxelles et Amsterdam. En effet, des élus néerlandais souhaitent supprimer cette ligne aérienne afin de favoriser les liaisons en train entre ces deux villes, situées à 200 km l’une de l’autre. Cette proposition a reçu le soutien de deux formations qui font partie de la coalition au pouvoir et le gouvernement a annoncé être déjà en négociations pour mettre en place cette mesure.
Cette proposition s’inscrit dans un contexte mondial où le secteur aérien est de plus en plus pointé du doigt pour son impact sur l’environnement. Qu’en est-il vraiment ? Et quelles solutions peuvent-elles être envisagées pour limiter ces effets ? Tour d’horizon.
Le poids du secteur aérien dans le changement climatique
A l’heure actuelle, le secteur aérien représente près de 3 % du total des émissions mondiales de CO2 selon l’International Energy Agency (IEA). Ainsi, l’aéronautique émet autant de dioxyde de carbone que l’Allemagne toute entière et elle en émet davantage que la France et le Royaume-Uni réunis. Si le secteur de l’aviation était un pays, il serait le 6e plus polluant au monde. C’est certes 6 à 7 fois moins que les émissions liées au transport routier (de personnes et de marchandises), mais c’est autant que le secteur de la chimie.
Un simple aller-retour entre Paris et New-York émet une tonne de CO2 par passager, ce qui correspond à l’énergie utilisée par un Français pour se chauffer pendant un an. Le poids du transport aérien dans le bilan carbone global est donc considérable.
Les vols intérieurs sont les premiers à être pointés du doigt : ils représentent 40 % des émissions. Ainsi, l’avion est le mode de transport le plus polluant par passager/kilomètre : il émet jusqu’à 40 fois plus que le train sur un même trajet national.
Comment expliquer cette situation ? Il existe notamment des avantages fiscaux sur les vols intérieurs : en France, ils sont exemptés de taxe sur le kérosène, ce qui tire les prix vers le bas. La concurrence joue également un rôle important dans les faibles tarifs : on a fréquemment plusieurs compagnies qui proposent un même trajet, alors qu’il n’y a qu’une seule offre pour le train. Enfin, le développement du low-cost aérien diminue aussi les prix.
La forte croissance du trafic aérien et ses conséquences
Ce poids du secteur aéronautique dans les émissions de carbone n’est pas prêt de se réduire. En effet, le trafic aérien double tous les 15 ans. Ainsi, même des gains d’efficacité énergétique seraient insuffisants pour contrebalancer les émissions.
Le cabinet de conseil Carbone 4 a évalué que la part du secteur aérien dans les émissions mondiales de CO2 pourrait atteindre 7 % en 2035 et 15 % en 2050. Il deviendrait ainsi le deuxième secteur émetteur, derrière le transport routier.
La compensation carbone, une solution peu viable
Le secteur aérien a pu être tenté de compter à long terme sur la compensation carbone. Il s’agit du fait d’intensifier les efforts en termes d’émissions dans d’autres secteurs afin de compenser les émissions de l’aéronautique. Mais cette option n’est pas vraiment envisageable. En effet, les objectifs existants demandent déjà une réduction très forte des émissions dans tous les secteurs. Il serait donc difficile d’intensifier encore plus les efforts dans un autre champ d’activité.
L’utilisation de biocarburants
Dans le secteur de l’aéronautique, il n’y a pas vraiment d’innovation de rupture prévue à court terme pour résoudre le problème des émissions de carbone. En effet, l’avion électrique ne devrait pas arriver sur le marché avant la décennie 2030. Ainsi, travailler sur la création de biocarburants de qualité est déjà un premier pas.
Les biocarburants sont déjà utilisés dans le secteur automobile, mais ceux utilisés dans l’aviation sont différents. En effet, un avion demande une force de propulsion plus grande et donc un carburant plus efficace énergétiquement. Ils sont principalement composés d’huiles de betterave, de maïs ou de friture, mélangées à du carburant classique.
Dans le monde de l’aviation, le biocarburant est 2 à 5 fois moins cher que le kérosène. Certains avions volent déjà avec du biocarburant, mais on ne peut en trouver que dans certains aéroports, assez rares. Le biocarburant est surtout utilisé lors de vols intérieurs ou européens, mais on commence à y avoir recours pour des longs courriers. Par exemple, un vol Los Angeles – Melbourne a volé avec uniquement du biocarburant, pendant 15 heures de vol. Ceci a permis une réduction de 7 % des émissions de CO2 pour ce trajet.
Mais le développement du biocarburant pourrait avoir des conséquences néfastes. En effet, afin de satisfaire la demande, il pourrait provoquer une agriculture intensive et la déforestation de certaines régions. Ce n’est donc pas une solution parfaite.
La réduction des trajets en avion, solution phare
Face à des solutions qui ne sont pas réellement satisfaisantes, réduire le nombre de trajets en avion apparaît comme la seule option vraiment efficace pour diminuer l’impact environnemental du secteur aéronautique. Carbone 4 explique notamment que la croissance du secteur devrait rester inférieure à 3 % par an, en parallèle d’autres efforts, pour permettre de rester sous la barre des 2 degrés de réchauffement climatique.
Certaines propositions vont plus loin qu’une simple limitation personnelle. En effet, le cabinet B&L innovation a fait quelques propositions de mesures qui permettraient de rester sous la barre de 1,5 degrés de réchauffement climatique en réduisant de 63 % les émissions de CO2 entre 2017 et 2030.
Parmi elles : la suppression des vols intérieurs disposant d’une alternative par la route ou le train en moins de 4 heures, l’interdiction de tout vol hors Europe non justifié, l’autorisation d’effectuer 2 vols long courrier aller-retour pour chaque jeune âgé de 18 à 30 ans et l’instauration d’une loterie nationale distribuant 500 000 vols par an. Mais le cabinet lui-même a reconnu que ce scénario était peu réaliste.
Le secteur aérien pointé du doigt
Face à tous ces défis, le secteur aérien est régulièrement critiqué pour son manque d’efforts en termes de transition écologique. C’est notamment ce qui ressort d’une étude publiée le 5 mars par les investisseurs de la TPI (Transition Pathway Initiative). Ce rapport porte sur les 20 plus grandes compagnies aériennes au monde.
Le problème est notamment que de nombreuses compagnies ont adopté des objectifs de limitation comptabilisés en quantité d’émissions nettes de CO2. Mais limiter ses émissions nettes ne revient pas forcément à limiter ses émissions au global. En effet, les compagnies peuvent acheter des permis de produire du dioxyde de carbone afin de faire baisser leur quantité d’émissions nettes.
Certaines initiatives voient néanmoins le jour, comme la création de l’avion A320neo par Airbus. Cet appareil permet un gain d’efficacité en carburant de 15 % par rapport aux A320 classiques. Mais ces efforts découlent surtout d’une volonté de faire des économies sur le coût du carburant.
Ainsi, réduire l’impact du secteur aérien sur l’environnement n’est pas une mince affaire. Il n’y a pas de solution parfaite et certaines mesures ne semblent pas forcément réalistes à court terme. La suppression de certaines lignes, à l’image des liaisons entre Bruxelles et Amsterdam pourrait déjà constituer un premier pas. Affaire à suivre.
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