Faites-vous partie de ceux qui ont décidé de compenser l’impact environnemental de leurs activités en faisant appel à différentes entreprises ou associations ? Ces dernières peuvent notamment planter des arbres pour vous afin de compenser vos vols en avion, par exemple. Intéressant à première vue lorsque l’on sait qu’un simple aller-retour entre Paris et New-York déverse une tonne de CO2 dans l’atmosphère. Mais ce mécanisme de compensation carbone est-il vraiment efficace pour préserver l’environnement ?
Atteindre la neutralité carbone
Pour limiter le réchauffement climatique, la France a un objectif clair, détaillé notamment dans la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie : la neutralité carbone à l’horizon 2050. Il s’agit de l’équilibre entre ses émissions de carbone et sa capacité d’absorption naturelle, avec ses forêts et ses sols. En d’autres mots, il s’agit de ne plus émettre davantage de carbone que ce que nous pouvons absorber. Pour ce faire, les pouvoirs publics font notamment des efforts pour réduire nos émissions.
D’autres pays partagent ces objectifs, mais avec des stratégies différentes. Par exemple, l’Australie a décidé d’augmenter la capacité de ses puits de carbone. Ainsi, elle a annoncé qu’elle allait planter un milliard d’arbres d’ici 2050. On est donc ici plutôt dans une logique de neutralisation des émissions. C’est ce qu’on appelle le principe de compensation carbone.
Le mécanisme de la compensation carbone
L’idée de compenser nos émissions de gaz à effet de serre est née à la fin des années 1980. Elle est basée sur le principe que l’endroit où on émet ou absorbe des gaz à effet de serre n’a pas d’impact sur le réchauffement climatique. Ainsi, on peut absorber ces émissions ailleurs que là où on les émet.
Pour qu’une démarche de compensation carbone soit efficace, elle doit respecter ces 4 conditions :
- Elle doit être additionnelle, c’est-à-dire que le projet n’aurait pas pu voir le jour sans ce financement. Ce dernier lui permet de dépasser des obstacles, qu’ils soient financiers, institutionnels, culturels ou sociaux.
- Il faut pouvoir mesurer la quantité de CO2 évitée et que cette économie soit permanente. C’est notamment le problème que l’on a avec les projets de plantation de forêts : on ne peut pas garantir qu’elle ne sera pas détruite dans quelques années.
- Il faut pouvoir vérifier que les émissions ont bien été évitées ou capturées.
- Enfin, il faut garantir l’unicité des crédits carbone délivrés par cette compensation : deux entités ne peuvent pas compenser leurs émissions de carbone avec une même action.
Pour compenser des émissions carbone, plusieurs options existent :
- Investir dans les énergies renouvelables
- Participer au développement des forêts, puits de carbone naturels. Pour ce faire, il est possible de protéger les forêts existantes ou de planter des arbres.
- Utiliser plus raisonnablement l’énergie
Les différents systèmes de compensation carbone
Deux systèmes de compensation carbone existent. Le premier est le marché de conformité. Il est lié au protocole de Kyoto : il engage les États qui y ont souscrit. Le second est le marché de la compensation volontaire, dont chaque personne peut être acteur.
Le marché de conformité
Un système de compensation carbone a été mis en place par le protocole de Kyoto en 1997. Ainsi, chacun des 172 pays signataires doit respecter des quotas d’émissions de CO2. S’il en émet trop, il doit compenser ses émissions, via deux mécanismes : la mise en oeuvre conjointe (MOC) ou le mécanisme de développement propre (MDP). Ils permettent aux États et aux grandes entreprises de financer des projets de réduction d’émissions de carbone en échange de crédits carbone. Ces “droits à polluer” sont des certificats garantis par l’ONU.
Le marché volontaire
En plus de ce système de compensation carbone mis en place avec le protocole de Kyoto, il existe un marché de compensation volontaire pour tous ceux qui souhaitent compenser leurs émissions sans forcément y être contraints. Ainsi, les petites et moyennes entreprises, les collectivités locales et les particuliers peuvent décider d’effectuer une démarche de compensation.
Contrairement au marché de conformité, la compensation carbone volontaire n’est pas régulée par une autorité centralisée. Ainsi, de nombreuses entreprises et associations proposent de compenser vos émissions. Mais malheureusement, elles n’offrent pas forcément toutes les mêmes garanties et n’ont pas toutes la même efficacité. Il faut notamment garder un point en tête : 90 % des acteurs sur le marché sont des entreprises à but lucratif.
Plusieurs labels ont été créés pour garantir aux acheteurs que leurs émissions carbone sont bien compensées, comme le Voluntary Gold Standard, créé par WWF en 2006, et le Verified Carbon Standard.
Quel est l’impact de la compensation carbone ?
En réalité, le principe de compensation carbone peine à convaincre totalement de son efficacité à ce jour.
En 2009, un rapport de l’ONG Les Amis de la Terre a vivement critiqué le faible niveau de garantie de baisse des émissions sur le marché de conformité, notamment avec le système MDP. Selon cette ONG, il est impossible de garantir l’additionnalité des projets. En effet, il est difficile d’affirmer qu’un projet n’aurait pas pu voir le jour autrement. Par exemple, 200 projets hydroélectriques ont été financés en Chine dans le cadre de la compensation carbone. Or le gouvernement chinois se tourne déjà beaucoup vers ce mode de production d’énergies renouvelables. Ainsi, les projets auraient sûrement vu le jour dans tous les cas.
Un autre problème est dénoncé dans le cadre de la compensation carbone : la capacité d’absorption de carbone des projets mis en place est souvent surestimée. En effet, l’administration n’a pas les moyens de vérifier chaque projet elle-même. Ainsi, elle missionne des parties tierces pour le faire, sauf que celles-ci reçoivent souvent des pressions du pays financeur et du pays hôte. Le manque de temps joue également : l’administration valide un dossier par jour en moyenne.
Une autre étude effectuée en 2016 par le Oko-Institute vient valider cette analyse. Elle a passé en revue 5655 projets, soit les ¾ des projets de compensation carbone du marché de conformité. Parmi ceux-cis, 85 % avaient une faible probabilité de remplir les conditions d’additionnalité et d’absorption et seuls 2 % remplissaient toutes les conditions requises.
Pour le marché volontaire, l’impact est encore plus difficile à mesurer, sans autorité régulatrice. Ainsi, certaines entreprises qui vous proposent ces services peuvent être très sérieuses dans leur démarche, mais ce n’est pas forcément le cas de toutes. La vigilance est donc de mise.
La critique du principe même de compensation carbone
L’application de la compensation carbone n’est pas le seul point critiqué. En effet, le principe lui-même de compenser ses émissions est remis en cause par de nombreux acteurs. En effet, il provoquerait une incitation perverse : il donne le sentiment qu’on peut potentiellement polluer toujours plus, puis compenser ensuite nos émissions.
C’est notamment le point de vue du think tank Pour la solidarité : “Couverts par la neutralité carbone, les entreprises ou les particuliers ont intérêt d’un point de vue économique à augmenter leurs émissions et à les compenser”. Avec la compensation carbone, on délègue à autrui notre changement de comportement personnel. En effet, il est moins douloureux de compenser nos émissions que de changer durablement nos modes de vie, parfois de façon contraignante, pour diminuer notre impact sur l’environnement.
Ce point est toutefois à nuancer car on observe que les personnes qui compensent leurs émissions sont souvent celles qui sont déjà sensibilisées aux problématiques du changement climatique et qui font des efforts au quotidien.
En réalité, au vu des garanties actuelles, on peut avoir des certitudes au sujet des émissions de carbone que l’on produit, mais pas au sujet de notre capacité à les compenser. Ainsi, la seule vraie solution pour réduire notre impact sur l’environnement est de réduire nos émissions de gaz à effet de serre et de n’avoir recours à la compensation carbone qu’en dernier recours, pour les émissions incompressibles.
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