S’il n’apparaît pas encore dans tous les dictionnaires, le terme d’éco-anxiété (qui désigne un état anxieux face au changement climatique) est de plus en plus usité.
Il faut dire que les multiples rapports du GIEC, ainsi que les effets bien concrets du réchauffement climatique dans nos vies quotidiennes, sont alarmants.
La jeune génération est particulièrement concernée.
Qu’est-ce qui se cache derrière ce mot ? L’éco-anxiété est-elle un véritable trouble ? Enfin, comment peut-on y faire face ?
Une définition de l’éco-anxiété
Éco-anxiété est un mot qui a été forgé en 1997 par Véronique Lapaige, une enseignante-chercheuse et médecin belge.
Il est la contraction de deux termes : écologie et anxiété. Dans sa pratique, la professeure observait qu’un nombre grandissant de personnes ressentaient de l’anxiété, de l’inquiétude, voire de la colère face à la perspective du changement climatique (ou à ses manifestations concrètes).
Pour Véronique Lapaige, l’éco-anxiété n’est pas un trouble pathologique. Elle est simplement une réaction face à un phénomène aux implications réelles.
Aujourd’hui, le concept d’éco-anxiété a plus de 25 ans et il est de plus en plus médiatisé. Les initiatives individuelles comme celles de Greta Thunberg en Suède ou de Leah Namugerwa en Ouganda, ou les initiatives collectives comme les grèves ou les marches pour le climat créent en effet une lame de fond, majoritairement portée par les jeunes.
Quelle est la différence entre l’éco-anxiété et la solastalgie ?
La solastalgie est un néologisme utilisé pour la première fois en 2003 par le philosophe de l’environnement Glenn Albrecht.
Il est la contraction du Latin solacium (réconfort, soulagement) et du Grec algia, qui désigne une douleur physique ou morale.
Ce concept est né des travaux menés par Glenn Albrecht sur la santé mentale des habitants de la Hunter Valley (Australie), une région marquée par l’industrie minière. Le chercheur rapporte que les habitants se sentent étrangers à leur nouvel environnement, tout en nourrissant, comme les aborigènes australiens, une nostalgie de leur monde disparu.
La solastalgie désigne donc un trouble, une tristesse face à ce qui est déjà perdu.
Elle traduit par exemple le désarroi que l’on ressent face un endroit que l’on a connu et qui s’est transformé sous l’effet du réchauffement climatique.
L’éco-anxiété, quant à elle, désigne une angoisse de l’avenir, une anticipation négative des phénomènes à venir. Elle se nourrit d’éléments concrets, comme les scénarios établis par des scientifiques, et les bouleversements concrets qu’on observe dans certaines parties du monde (inondations, sécheresses, augmentation des températures, etc.).
Les jeunes, premières victimes de l’éco-anxiété ?
L’éco-anxiété toucherait en premier lieu les jeunes de 18 à 30 ans. En 2022, cette classe d’âge plaçait l’environnement parmi ses premières préoccupations. 38 % des 18-24 ans et 36 % des 25-34 ans le désignent ainsi comme un sujet prioritaire, contre 29% pour le reste de la population française.
De manière plus large, une enquête scientifique menée en 2021 dans dix pays et auprès de 10 000 jeunes a montré que 59% d’entre eux sont inquiets de l’avenir de la planète.
Véronique Lapaige, qui a créé le terme d’éco-anxiété, estime quant à elle
“Qu’environ 85% des 15-30 ans se sentent concernés par le changement climatique”.
Elle ajoute : “C’est plus que chez les adultes. Il y a plusieurs raisons à cela. D’abord, ils sont plus exposés à cette thématique, qui est très présente sur Internet et les réseaux sociaux. Ils sont aussi plus nombreux à y partager leurs craintes et leur mal-être.”
Plus informée, la jeune génération bénéficie aussi d’une plus grande ouverture sur le monde. Les réseaux sociaux permettent à ce titre de relayer des informations rapidement, et de toucher un grand nombre de personnes. On l’a vu, par exemple, avec la mobilisation des jeunes autour de Greta Thunberg lors des grèves mondiales pour le climat (Fridays for Future).
L’éco-anxiété peut-elle avoir un versant positif ?
La plupart des professionnels de santé s’accordent sur le fait que l’éco-anxiété peut être un moteur et un moyen de changer les choses.
Pour les psychologues, une chose est certaine : l’anxiété ne peut être combattue que si l’on prend les choses en main et que l’on agit à son échelle.
Cette prise de responsabilité permet de repousser le sentiment d’impuissance et de renforcer ses engagements. Elle peut aussi aboutir à la mise en place de projets concrets, aussi “petits” soient-ils. C’est alors qu’un leadership collectif peut émerger : c’est la fameuse politique des petits pas.
Pour le professeur de psychologie Tobias Brosch, deux cas sont à distinguer.
- L’éco-anxiété pathologique, qui paralyse ceux qui en souffrent et doit être traitée avec l’aide d’un professionnel de santé.
- L’autre versant est l’éco-anxiété « rationnelle », qu’il est logique de ressentir. « Cela signifie simplement que vous avez compris les enjeux du problème. Mais chacun devrait essayer de transformer cette émotion en levier d’action, par exemple pour adapter son mode de vie », explique Tobias Brosch.
Autrement dit, l’éco-anxiété n’est pas vouée à rester un sentiment négatif : elle peut également servir de tremplin pour agir.
Comment faire face à l’éco-anxiété ?
Face à l’augmentation des cas d’éco-anxiété, les professionnels s’organisent. Certains s’intéressent de plus en plus au sujet, pour proposer à leurs patients un accompagnement adapté.
Pour le professeur Tobias Brosch, le plus important pour les personnes qui ressentent de l’éco-anxiété est de sortir de la passivité. Signer des pétitions, rejoindre des associations ou des mouvements pour le climat, dialoguer avec des personnes sensibles à la question climatique, investir dans des projets verts, ou encore changer son mode de vie (transports, alimentation, habillement, etc.), permet ainsi de passer de l’angoisse à l’action.
Les professionnels conseillent également de lâcher prise, sans toutefois se laisser gagner par le découragement.
Pour cela, une seule solution : sortir de l’hyper-anticipation, car on ne peut pas contrôler l’avenir. En revanche, on peut contrôler ses agissements au quotidien. Or, en agissant en adéquation avec ses convictions, on repousse le sentiment d’impuissance que l’on peut ressentir face aux évènements.