La France a construit la première centrale marémotrice au monde, en 1966. Il s’agit de l’usine marémotrice de Rance, entre Saint-Malo et Dinard. Cette installation pionnière illustre parfaitement l’une des caractéristiques les plus remarquables de l’énergie marémotrice : sa prévisibilité absolue. Contrairement aux énergies solaire ou éolienne qui dépendent des caprices météorologiques, l’énergie marémotrice permet de calculer avec une précision remarquable les horaires et l’amplitude des marées sur des décennies. Mais en quoi consiste ce mode de production d’énergie ? Les centrales marémotrices produisent de l’énergie grâce à la force des marées. Découvrez dès maintenant ce que vous devez savoir sur ce mode de production d’énergie renouvelable.
Le mécanisme des marées
Tout d’abord, commençons par les bases. Comment fonctionnent les marées ? Ce phénomène découle de l’effet gravitationnel de la Lune et du Soleil sur l’océan. Le rythme de deux marées par jour provient, quant à lui, de la position relative du Soleil et de la Lune au cours du mois lunaire. C’est la Lune, pourtant moins massive, qui a l’impact le plus important sur les marées car elle est plus proche de la Terre.
Ces mouvements astraux peuvent être facilement calculés, pour des millions d’années à venir. Ainsi, le mouvement des marées est extrêmement prévisible, tant en termes d’heures qu’en termes d’intensité. Cette prévisibilité constitue un avantage considérable pour les gestionnaires de réseaux électriques, qui peuvent planifier la production d’électricité avec une précision inégalée dans le domaine des énergies renouvelables.
L’énergie marémotrice : principe et technologies
L’énergie marémotrice repose sur l’utilisation du mécanisme des marées pour produire de l’énergie. Elle utilise notamment la différence entre la hauteur de l’eau à marée haute et la hauteur de l’eau à marée basse. C’est ce qu’on appelle le marnage. Ainsi, on peut produire de l’énergie issue des marées dans les zones littorales où le marnage est fort. Comment faire ? En exploitant la différence de hauteur d’eau entre deux bassins, séparés par un barrage.
Une centrale marémotrice est différente d’une centrale hydrolienne. En effet, cette dernière capte l’énergie des courants de marée. Les hydroliennes représentent d’ailleurs l’évolution moderne de l’énergie marémotrice. Ces « éoliennes sous-marines » sont installées directement dans les courants de marée, sans nécessiter de modification majeure de l’environnement côtier. La densité de l’eau étant 830 fois supérieure à celle de l’air, une hydrolienne peut produire autant d’électricité qu’une éolienne terrestre avec des pales bien plus petites.
Le fonctionnement d’une centrale marémotrice
Comment fonctionne une centrale marémotrice ?
Lorsque l’on construit une centrale marémotrice, on sélectionne un bras de mer ou un estuaire où le marnage est fort. On y construit alors un barrage qui sépare l’étendue d’eau en deux espaces, aux niveaux différents. Lorsque la marée monte, le bassin se remplit. L’eau passe alors par des vannes, équipées de turbines, pouvant produire de l’énergie. Le bassin se vide ensuite, laissant l’eau passer à nouveau par les vannes. L’innovation récente permet même un fonctionnement bidirectionnel, produisant de l’électricité tant à la montée qu’à la descente des marées, doublant ainsi l’efficacité de ces installations.
Les conditions nécessaires à l’installation d’une centrale marémotrice sont les suivantes :
- Le marnage doit être de plus de 5 mètres. Il est même recommandé qu’il soit plutôt de 10 à 15 mètres.
- La profondeur de l’étendue d’eau doit être de 10 à 25 mètres à marée basse.
- Le sol doit posséder un substrat rocheux afin de permettre de fixer toute l’infrastructure de la centrale.
La centrale marémotrice à simple bassin
Deux types de centrales marémotrices existent. La première d’entre elles est la centrale marémotrice à simple bassin.
Dans ce cas, on installe un barrage sur un bras de mer afin de retenir une importante quantité d’eau. Ce barrage est percé d’ouvertures, dont certaines sont équipées de turbines. Le passage de l’eau parmi ces turbines permet de générer de l’énergie, au remplissage du bassin comme au vidage. On peut générer de l’énergie soit à l’une de ces étapes, soit aux deux, selon les installations.
La centrale marémotrice à double bassin
L’autre type de centrale marémotrice existant est la centrale marémotrice à double bassin. Ce dispositif est similaire à celui à simple bassin, mais on ajoute également un bassin artificiel, situé plus bas que le niveau de la mer, même à marée basse.
Ce deuxième bassin permet d’exploiter une différence de hauteur entre deux bassins, quelle que soit la hauteur de la mer. Ainsi, on peut avoir une plage de production plus longue, mais cela demande une infrastructure plus lourde et coûteuse.
L’énergie marémotrice dans le monde
Dans le monde, on estime que le potentiel de l’énergie marémotrice s’élève à 380 TWh/an, soit 1,5 % à 2 % de la production électrique mondiale par an. Les pays qui envisagent le plus de développer ce mode de production d’énergie sont le Royaume-Uni et la Corée du Sud.
En 2012, la centrale marémotrice sud-coréenne de Sihwa a été inaugurée, devenant la plus puissante au monde. Elle a une puissance installée de 254 MW. Dans le même pays, une centrale marémotrice de capacité encore plus importante est en construction, à Incheon. Elle devrait avoir une capacité de production d’environ 1000 MW. Ces installations démontrent l’intérêt croissant des pays pour cette source d’énergie et prouvent la faisabilité économique de l’énergie marémotrice dans des conditions favorables.
L’énergie marémotrice en France
En France, les premiers moulins à marées ont été créés au 12e siècle, sur l’Adour. La première centrale marémotrice moderne a ensuite été construite pour produire de l’électricité en 1966. Il s’agit de la centrale sur la Rance, dans les Côtes d’Armor. Elle se trouve sur un site connu pour avoir parmi les plus grandes amplitudes de marées au monde. Sa capacité est de 240 MW. Ce fut l’usine marémotrice la plus puissante au monde jusqu’en 2011, soit pendant 45 ans.
Cette centrale marémotrice occupe l’estuaire de la Rance, sur 750 mètres de large. Elle est composée de 24 turbines Kaplan, de 10 MW de puissance chacune. Après plus de 50 ans d’exploitation, cette installation continue de fonctionner parfaitement, démontrant la durabilité exceptionnelle de cette technologie.
En Bretagne, l’énergie marémotrice est la première source de production d’électricité. Elle représentait notamment 45 % de la production d’énergie de la région en 2012. Elle est actuellement en cours de rénovation.
Les points forts de l’énergie marémotrice
L’énergie marémotrice présente certains avantages. Il s’agit d’une technologie mature, permettant de produire de l’énergie renouvelable, sans émissions de gaz à effet de serre une fois l’infrastructure construite.
Il s’agit également d’une infrastructure durable : on peut exploiter une centrale marémotrice pendant potentiellement plus de 100 ans. Elle est aussi peu coûteuse une fois la centrale construite. Cette durée de vie exceptionnelle garantit un retour sur investissement à très long terme, contrairement à d’autres technologies renouvelables qui nécessitent des remplacements plus fréquents.
Enfin, une centrale marémotrice permet de produire massivement de l’énergie sur un site donné, tout en ayant une bonne prédictibilité de l’énergie qui sera produite. Les installations peuvent générer des quantités importantes d’électricité sur des surfaces relativement restreintes, offrant une densité énergétique remarquable.
Un mode de production d’énergie qui a ses défauts
Pourtant, l’énergie marémotrice présente quelques points noirs, nuisant à son développement. Tout d’abord, son impact sur l’environnement n’est pas neutre. Même si elle permet de produire de l’énergie renouvelable, une centrale marémotrice peut perturber l’écosystème naturel local lors de la phase de construction. C’est pourquoi ce système ne tend pas à se généraliser. Heureusement, les technologies modernes comme les hydroliennes minimisent ces impacts, et des études d’impact environnemental approfondies permettent aujourd’hui de concevoir des installations plus respectueuses de la biodiversité marine.
Elle peut notamment provoquer un envasement important. C’est notamment le cas avec la centrale marémotrice de la Rance. Pourquoi un tel phénomène ? Le débit de la Rance est réduit à cause de ce dispositif, ce qui diminue l’intensité du courant. Les sédiments naturels se déposent alors plus facilement en amont du barrage.
Il est également assez difficile de trouver des sites adaptés. Les sites appropriés restent géographiquement limités, nécessitant des conditions spécifiques de marnage et de configuration côtière que l’on trouve principalement dans certaines régions du monde. Par exemple, en Inde, un projet potentiel était d’isoler une baie et de l’utiliser comme bassin de stockage pour une centrale marémotrice. Mais la pollution du fleuve, actuellement diluée dans l’océan, se serait concentrée dans la baie avec la mise en place du barrage. Le problème de la pollution des affluents est donc assez bloquant.
Enfin, il s’agit aussi d’une source d’énergie intermittente. Même si on peut prévoir les périodes de production d’électricité, ce type de centrale ne produit pas lorsque la mer est étale (entre la marée montante et la marée descendante). Il n’y a pas non plus de production lors des faibles coefficients de marées.
Perspectives d’avenir : vers une nouvelle génération d’installations
L’avenir de l’énergie marémotrice s’annonce prometteur grâce aux innovations technologiques en cours. Le développement de nouvelles générations d’hydroliennes permet de réduire significativement les coûts tout en améliorant l’efficacité énergétique.
Les systèmes hybrides émergent comme une solution d’avenir, combinant l’énergie marémotrice avec d’autres sources renouvelables comme l’éolien offshore. Cette approche permet d’optimiser l’utilisation des infrastructures marines et de lisser la production énergétique.
Les progrès dans les matériaux résistants à la corrosion marine et les techniques de maintenance sous-marine contribuent également à réduire les coûts d’exploitation. Avec la prise de conscience croissante des enjeux climatiques, l’énergie marémotrice pourrait jouer un rôle stratégique dans le mix énergétique de certaines régions côtières.
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À retenir
- L’énergie marémotrice exploite les forces gravitationnelles de la Lune et du Soleil pour produire une électricité 100% prévisible sur des décennies.
- Deux technologies principales coexistent : les barrages marémoteurs (éprouvés mais impactants) et les hydroliennes (modernes et plus respectueuses de l’environnement).
- Cette énergie nécessite des conditions géographiques spécifiques : marnage supérieur à 5 mètres et configuration côtière favorable.
- Les installations affichent une durabilité exceptionnelle (plus de 100 ans) et ne produisent aucune émission lors de leur fonctionnement.
- L’usine marémotrice de la Rance, première au monde depuis 1966, continue de démontrer la viabilité de cette technologie après plus de 50 ans d’exploitation.