En 2019, la pollution numérique devrait générer davantage de CO2 que le secteur de l’aviation civile. Qu’est ce que la pollution numérique ? Il s’agit de l’impact environnemental du secteur des nouvelles technologies et d’internet. Et celui-ci est malheureusement plutôt conséquent. Avec la forte croissance du secteur, la tendance ne devrait pas s’inverser rapidement. En effet, en 2018, on comptait 7 milliards d’objets connectés en circulation. Selon Gartner, ils seront 20 milliards en 2020 et leur nombre devrait continuer à augmenter.
Pourtant, cet impact sur l’environnement reste difficile à appréhender car ce secteur semble immatériel. Ainsi, plus de 1 Français sur 2 ne considère pas Internet comme une source importante de pollution selon une étude de Cleanfox. Toujours selon cette étude, seuls 51 % des Français ont déjà entendu parler de la pollution numérique. Alors, qu’en est-il vraiment ? C’est le moment de le découvrir.
La pollution numérique dans le monde
Si Internet était un pays, il serait le 6e plus gros pollueur au monde, voire le 3e selon certaines études, juste derrière la Chine et les États-Unis. Un poids considérable sur le plan environnemental, donc. Le secteur du numérique représente environ 2 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial selon Novethic, ce qui correspond plus ou moins au poids de l’aviation civile. Pire encore : cette part devrait doubler d’ici 2020, alors qu’elle n’était que de 1 % au début des années 2000.
En termes de consommation d’électricité, le secteur de l’informatique est très gourmand. En effet, il consomme 10 % de l’électricité mondiale selon un rapport de l’ADEME.
La faute à quoi ? Notamment à l’augmentation très forte de l’utilisation de dispositifs numériques et à la multiplication de l’échange de données. Par exemple, le big data à lui tout seul fait tourner l’équivalent de 5 centrales nucléaires dans le monde pour subvenir à ses besoins énergétiques.
Qu’est-ce qui génère de la pollution numérique ?
Le poids de vos emails
Des emails, vous en envoyez et vous en recevez tous les jours, mais savez-vous vraiment quel est leur impact sur la planète ? C’est bien simple : un email représente 10 grammes de CO2 pour un envoi et un an de stockage, en moyenne. Sachant qu’on envoie environ 200 millions d’emails par minute dans le monde, l’addition est assez lourde. En effet, un arbre ne peut absorber que 10 grammes de CO2 par jour.
Si vous ajoutez des pièces jointes, le bilan devient encore plus lourd. Et plus celle-ci est volumineuse, plus elle émet de gaz à effet de serre. Ainsi, l’envoi d’un email pesant 1 mégaoctet consomme autant qu’un ordinateur en veille pendant 8 heures.
Il n’y a pas que l’envoi du message qui a un impact négatif sur l’environnement, le stockage est également problématique. C’est ce qu’on appelle le problème de la pollution dormante. Tout message que vous conservez dans votre boîte mail fait tourner les serveurs en permanence pour le conserver.
Les newsletters que vous recevez sans les lire ont également un certain poids. En effet, un Français en reçoit en moyenne 936 par an. Cela représente plus de 9 kg d’émissions de CO2 par an, à cumuler chaque année si vous ne nettoyez pas votre boîte de réception.
Ainsi, selon l’ADEME, rien que les emails envoyés par une entreprise de 100 personnes représentent 13,6 tonnes de CO2 par an, soit 14 vols aller-retour entre Paris et New-York.
Vos requêtes sur Google
Lorsque vous effectuez une recherche sur Google, savez-vous que vous avez un impact sur les émissions de gaz à effet de serre ? En effet, une requête dégage entre 5 et 7 grammes de CO2. Sachant qu’un internaute effectue 1000 requêtes par an en moyenne, le compte grimpe rapidement.
Le poids considérable de la vidéo en ligne et des réseaux
Certaines activités que vous effectuez en ligne polluent plus que d’autres. C’est notamment le cas de la vidéo à la demande et des jeux vidéo multijoueurs en ligne. Les échanges de photos et de vidéos sur les réseaux sociaux ont également un poids conséquent.
La vidéo à la demande est fréquemment pointée du doigt par les acteurs qui défendent l’environnement. En effet, ce segment représente 58 % du trafic mondial sur internet selon une étude Sandvine. Rien que la plateforme Netflix consomme à elle seule 15 % de la bande passante mondiale. Sauf que l’énergie utilisée par celle-ci n’est pas forcément très propre. Selon Greenpeace, Netflix n’utilise que 17 % d’énergies propres alors qu’elle utilise 30 % de charbon pour subvenir à ses besoins énergétiques.
Le problème des applications mobiles
Les applications mobiles sont également problématiques. En effet, vu que les appareils électroniques sont de plus en plus puissants, les développeurs de logiciels ont tendance à moins se préoccuper de l’efficience énergétique des applications. C’est notamment ce qu’explique Frédéric Bordage, fondateur de GreenIT.fr : “ Le code des applis est devenu trop lourd et complexe, ce qui gâche de l’énergie. Quand on pense que l’ordinateur qui a emmené l’homme sur la lune disposait d’une mémoire centrale d’environ 70 kilo-octets, soit autant que le poids d’un email aujourd’hui, on constate que l’efficience informatique s’est spectaculairement dégradée en un demi-siècle.”
En moyenne, 35 applications fonctionnent en permanence sur un smartphone, même lorsqu’elles sont fermées, ce qui épuise la batterie de l’appareil.
Comment sont produites ces émissions de gaz à effet de serre ?
Outre la consommation en énergie des appareils électroniques en eux-mêmes, deux points ont un impact très important sur la pollution numérique :
- les émissions de carbone générées par les data centers, les lieux où sont stockés une grande partie des serveurs qui alimentent tous les sites que vous utilisez,
- les émissions liées aux matériaux utilisés pour produire vos appareils électroniques ainsi que les déchets produits lors de votre utilisation d’outils digitaux
Les data centers
Les data centers sont des centres de stockage de données, regroupant un très grand nombre de serveurs. Ils ne cessent de voir grandir la quantité de données collectées, notamment avec l’avènement du big data. Avec cette croissance, leurs besoins énergétiques sont également à la hausse. En France, ils représentent 10 % de l’électricité consommée. On en compte actuellement plus de 4000 au niveau mondial.
Ces data centers sont souvent alimentés en énergie par des énergies fossiles, qui émettent donc des gaz à effet de serre. Or, ces centres sont très gourmands en énergie, consommant 10 fois plus qu’un bâtiment classique. L’impact sur l’environnement est donc conséquent. Ils produisent également beaucoup de chaleur en raison du stockage de serveurs dans un espace confiné, composé de nombreux composants électroniques. Ainsi, 40 % de l’énergie utilisée par les data centers vient du refroidissement.
Pourtant, ils ne sont que la partie la plus visible de la pollution numérique. En effet, ils ne représentent que 25 % de l’empreinte écologique d’internet.
Les matériaux qui constituent les appareils électroniques
Fabriquer des appareils électroniques a un impact important sur l’environnement, notamment en raison des matériaux utilisés. Par exemple, pour fabriquer un ordinateur, on a besoin de 16 fois son poids en matériaux. Pour certains composants, le ratio peut être encore plus important. Ainsi, on encourage l’épuisement des ressources.
Les matériaux utilisés sont également un problème. En effet, il s’agit souvent de métaux rares, difficiles à extraire. C’est notamment ce qu’explique Laurent Lefevre, chercheur à l’INRIA : “L’extraction de ces minerais est une étape vraiment consommatrice d’énergie puisque les mines ont une densité de métaux de plus en plus faible donc il faut de plus en plus d’énergie pour les extraire.”
Outre la difficulté à les extraire, l’impact social de ce système n’est pas à négliger. Par exemple, l’extraction de cobalt au Congo, utilisé pour produire les batteries de smartphones, est fortement liée au travail des enfants. Globalement, sur 36 matériaux qui rentrent habituellement dans la fabrication des objets technologique, le cabinet de conseil Alcimed constate que 24 d’entre eux posent des problèmes importants de RSE.
D’autres ressources sont également nécessaires afin d’utiliser ces matériaux. Par exemple, les minerais extraits doivent être transportés avant d’être transformés, ce qui génère des émissions de gaz à effet de serre. On voit également que pour produire un circuit imprimé de 2 grammes (qu’on retrouve dans n’importe quel smartphone ou ordinateur), il faut 1,6 kg d’équivalent pétrole, 32 litres d’eau et 700 g de gaz.
Enfin, la durée de vie des produits informatiques est assez courte. En effet, on change de smartphone régulièrement afin d’obtenir le dernier modèle à la mode. Pourtant, il faudrait significativement l’allonger pour réduire la pollution numérique. Chaque année, 60 millions de tonnes d’appareils numériques sont jetées et seuls 5 % leurs composants et matériaux sont réutilisés ou reconditionnés.
Réduire la pollution numérique pour les entreprises
Des data centers plus éco responsables
Certaines entreprises tentent de réduire leur impact sur l’environnement en alimentant leurs data centers avec des énergies renouvelables. Ainsi, la moitié des data centers de Google est alimentée par des énergies renouvelables et Apple a annoncé qu’elle allait investir 300 millions de dollars d’ici 2022 pour aider ses sous-traitants chinois à utiliser ce type d’énergie.
Mais la croissance d’entreprises technologiques d’envergure en Asie du Sud-Est, comme Baidu et Alibaba, pourrait aggraver la pollution numérique. En effet, dans cette région, les fournisseurs d’énergie sont en situation de monopole ou presque et ne proposent qu’un accès très limité aux énergies renouvelables. Ainsi, sans une évolution des politiques énergétiques de la région, la croissance des entreprises digitales ira de pair avec une plus grande consommation de charbon et d’énergies polluantes, sources d’énergie les plus utilisées dans cette zone.
Vu que les data centers produisent énormément de chaleur, on peut également envisager de la réutiliser. On peut notamment envisager de s’en servir pour chauffer des bâtiments. C’est déjà le cas de la piscine de la Butte-aux-Cailles, à Paris, par exemple. Il est aussi possible de chauffer des bureaux.
Mettre en place des filières de recyclage
La mise en place de filières de recyclage des produits technologiques est également une initiative importante pour les entreprises du secteur. Et comme expliqué précédemment, il y a encore du pain sur la planche : seuls 5 % des composants sont actuellement réutilisés ou reconditionnés.
Par exemple, Samsung a dû faire rapatrier plus de 2,5 millions de téléphones suite aux problèmes rencontrés avec le Samsung Galaxy Note 7. Ils ont ensuite été remis en vente sous forme d’appareils reconditionnés ou d’appareils de location afin de ne pas jeter l’intégralité des composants.
Trouver de nouvelles solutions : l’exemple de l’edge computing
Pour réduire la pollution numérique, il est également intéressant de trouver de nouvelles solutions innovantes. Parmi celles-ci, on retrouve l’edge computing. Il s’agit du fait de centraliser et traiter les données localement avec de minuscules data centers, placés à proximité des objets connectés, voire directement sur l’objet lui-même. Cette solution est plus écologique car les données parcourent une distance moindre et qu’il n’y a alors plus besoin d’un système de refroidissement d’envergure, comme c’est le cas pour les data centers classiques.
Réduire la pollution numérique à titre individuel
Lutter contre la pollution numérique à votre échelle, c’est également possible. Afin de vous y aider, voici une liste de recommandations, classées par thèmes.
Votre boîte mail
- Effectuez un nettoyage de votre boîte mail, notamment en vous désabonnant des newsletters que vous ne lisez plus. En effet, vu le poids des emails, autant limiter la quantité que vous recevez, surtout lorsqu’ils ne vous servent à rien. Pour ce faire, vous pouvez utiliser des solutions comme CleanFox.
- Envoyez le moins d’emails groupés possible : un email envoyé à 10 personnes multiplie par 4 son impact environnemental par rapport à un email envoyé à une seule personne.
- Installez un filtre anti-spam sur votre boîte mail : ils représentent 70 % des emails reçus, en moyenne, donc autant ne pas les stocker inutilement.
- Compressez vos pièces jointes avant de les envoyer. En effet, lorsque vous envoyez une pièce jointe dans un email, les data centers doublent cette information afin d’en avoir une sauvegarde si jamais un des serveurs venait à avoir un problème. Ainsi, autant que le fichier soit le plus léger possible.
Votre navigation sur internet
- Lorsque vous connaissez l’adresse du site où vous souhaitez vous rendre, tapez-la directement dans la barre d’adresse ou accédez-y depuis vos favoris. Vous réduirez ainsi le nombre de vos requêtes sur votre moteur de recherche.
- Dans la mesure du possible, évitez d’ouvrir plusieurs onglets à la fois lorsque vous naviguez sur internet. En effet, cette pratique consomme beaucoup d’énergie.
- Utilisez un moteur de recherche plus éco-responsable comme Ecosia, qui plante des arbres, ou Lilo, qui finance des projets environnementaux et sociaux.
- Vous pouvez bloquer la lecture automatique de vidéos avec certains plugins.
- Limitez votre utilisation de sites de vidéo à la demande. Selon un rapport de Greenpeace, 1 heure de vidéo consomme davantage d’électricité qu’un réfrigérateur pendant une année.
Vos appareils électroniques
- Ne stockez pas des fichiers inutiles sur votre ordinateur, ils lui font consommer plus d’énergie. Pour effectuer un petit nettoyage, vous pouvez utiliser des outils comme Dr Cleaner.
- Ne rachetez pas un appareil électronique tant que celui que vous possédez fonctionne encore. En effet, si vous le pouvez, conserver un ordinateur ou un smartphone 4 ans au lieu de 2 améliore de 50 % son bilan environnemental.
- En termes d’appareils électroniques, choisissez le dispositif qui vous correspond. Par exemple, si vous souhaitez uniquement naviguer sur internet, vous pouvez opter pour une tablette. Cette dernière est moins gourmande en énergie qu’un ordinateur fixe : elle consomme de 5 à 15 kWH par an contre 120 à 250 kWH.
- Lorsque vous n’utilisez pas un appareil, pensez à l’éteindre. Pour y penser plus facilement, vous pouvez tous les brancher sur une multiprise. Ainsi, en partant de chez vous, vous n’avez plus que la multiprise à éteindre.
- Si vous le pouvez, sélectionnez l’option “économie d’énergie” sur vos appareils électroniques.
- Éteignez votre box internet lorsque vous ne vous en servez pas.
- Optez pour des appareils reconditionnés. Par exemple, les smartphones reconditionnés représentent désormais 10 % du total des ventes.
- Réparez vos appareils électroniques plutôt que d’en acheter de nouveaux. Si votre smartphone est ralenti, parfois, il ne suffit que d’en changer la batterie.
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