Imaginez des organismes microscopiques capables de produire plus d’énergie qu’un champ de colza, tout en dépolluant l’atmosphère. Cette révolution porte un nom : les microalgues, ces micro-organismes aquatiques dont la croissance fulgurante fascine les scientifiques. On estime qu’il existe plus d’un million d’espèces de microalgues, mais la recherche n’en a encore étudié que 30 000 à l’heure actuelle. Contrairement aux biocarburants traditionnels qui nécessitent des hectares de terres agricoles, les microalgues nous offrent une solution d’avenir sans compromettre la sécurité alimentaire mondiale.
On les utilise déjà pour produire des cosmétiques et des fertilisants, ainsi que dans le secteur alimentaire. En réalité, les microalgues peuvent permettre de produire de l’énergie et de potentiellement remplacer les carburants que nous utilisons actuellement. On parle alors d’algocarburants. Comment fonctionne ce processus de production d’énergie avec des microalgues ? Découvrez-le dès maintenant.
Les microalgues : des organismes aux capacités extraordinaires
Les microalgues sont des organismes aquatiques de très petite taille, aux propriétés particulièrement intéressantes. Elles absorbent le CO2 et le transforment en oxygène, grâce à la photosynthèse. Ces petites merveilles de la nature transforment le dioxyde de carbone et la lumière solaire en biomasse riche en lipides, protéines et glucides avec une efficacité remarquable.
Leur atout majeur ? Une capacité de reproduction fulgurante. Certaines espèces peuvent doubler leur biomasse en moins de 24 heures, soit un rendement jusqu’à 30 fois supérieur aux cultures énergétiques terrestres comme le colza ou le tournesol. Cette productivité exceptionnelle s’explique par leur efficacité photosynthétique supérieure et leur cycle de croissance accéléré.
Elles peuvent être utilisées afin de produire de l’énergie. Une fois qu’elles sont en fin de vie, elles peuvent également être utilisées comme biomasse pour produire de l’énergie renouvelable grâce à différentes techniques. Les microalgues permettent notamment de bénéficier d’un rendement énergétique très élevé.
La culture des microalgues : deux approches complémentaires
Comment cultive-t-on les microalgues ? Tout d’abord, on sélectionne une espèce de microalgues qui correspond à l’usage qui va en être fait. Ensuite, on les cultive dans de l’eau de mer enrichie en nutriments. Il est également possible de les cultiver dans de l’eau douce ou de l’eau saumâtre (un mélange d’eau douce et d’eau salée), mais ceci est un peu moins courant.
Les microalgues peuvent être cultivées dans des bassins à ciel ouvert. Ces dispositifs sont peu coûteux, mais ils entraînent une perte d’eau via l’évaporation. Il y a également davantage de chances de contamination microbienne avec cette option. Ces installations, généralement circulaires ou en forme de piste, maintiennent l’eau en circulation permanente tout en contrôlant les paramètres essentiels : pH, température, concentration en nutriments. Les rendements atteignent généralement 10 à 25 grammes de biomasse par mètre carré et par jour.
On peut aussi cultiver les microalgues dans des photobioréacteurs. Il s’agit de tubes transparents qui forment un récipient clos. Le coût de cette technique est plus élevé, mais elle offre une meilleure productivité. Ces systèmes sophistiqués permettent un contrôle total des conditions de culture et peuvent atteindre des rendements de 50 à 100 grammes de biomasse par mètre carré et par jour, soit des performances nettement supérieures aux systèmes ouverts.
Utiliser les microalgues pour lutter contre l’effet de serre
Afin de croître, les microalgues ont besoin d’absorber du CO2, conformément au processus de photosynthèse. Il se trouve qu’elles en ont particulièrement besoin, ce qui leur offre une importante capacité d’absorption. Une tonne de biomasse algale peut ainsi fixer environ 1,8 tonne de CO2, transformant chaque installation en véritable puits de carbone. Ceci est donc très intéressant pour lutter contre la hausse des gaz à effet de serre.
Cette caractéristique unique permet aux installations de microalgues d’être couplées avec des centrales thermiques pour recycler directement leurs émissions de CO2, créant ainsi une économie circulaire parfaite entre production d’énergie et capture de carbone.
Envie d’en savoir plus à ce sujet ? Découvrez notre article sur les différents gaz à effet de serre.
Produire de l’énergie avec des microalgues
Avec les microalgues, il est possible de produire de l’énergie selon différentes techniques. Le potentiel énergétique de ces organismes est immense et varié, offrant des alternatives prometteuses aux combustibles fossiles traditionnels, qu’il s’agisse de carburants liquides ou gazeux.
Produire de l’algocarburant avec des microalgues
Les microalgues permettent notamment de produire de l’énergie. Les algocarburants que l’on obtient sont une alternative aux carburants traditionnels. Certaines espèces de microalgues permettent de produire des substances ayant un potentiel énergétique similaire aux lipides (qui permettent de produire du biodiesel) ou à l’amidon (qui permet de produire du bioéthanol). Ainsi, les algocarburants font partie de ce qu’on appelle des biocarburants de 3e génération.
Les algocarburants sont donc différents des agrocarburants : ces derniers sont issus de cultures utilisées dans le domaine de l’alimentation. Ils sont également différents des biocarburants de deuxième génération, produits avec des sources végétales non-alimentaires comme les déchets végétaux et le bois.
Actuellement, la production d’algocarburant est la principale application des microalgues. Mais, en réalité, il est possible d’en produire différents types, selon les techniques utilisées.
Produire du biodiesel avec des microalgues
Le biodiesel à partir de microalgues est le principal algocarburant actuellement. Ainsi, les recherches s’orientent plutôt vers cette application de la culture de microalgues. Comment en produit-on ? La technique est similaire à celle utilisée pour transformer les huiles végétales. On récolte les microalgues, puis on en extrait l’huile selon différentes méthodes. Les huiles peuvent représenter jusqu’à 70% du poids sec de certaines espèces. Cette huile est ensuite transformée en biodiesel par transestérification, donnant un carburant compatible avec les moteurs diesel existants, sans modification technique.
Produire du bioéthanol avec des microalgues
Les microalgues produisent également des glucides, alors que ce sont des lipides qui sont utilisés pour produire de l’huile. Ceci permet de produire un autre type de biocarburant : le bioéthanol. On l’élabore grâce à la fermentation de l’amidon contenu dans les microalgues, sans oxygène ni lumière. Cette approche permet de valoriser l’ensemble de la cellule et non seulement les lipides, optimisant ainsi le rendement énergétique de chaque organisme cultivé. On obtient alors un alcool que l’on concentre et que l’on hydrate, afin d’obtenir du bioéthanol.
Produire du biogaz avec des microalgues
Enfin, il est également possible de produire du biogaz en utilisant des microalgues. On considère d’ailleurs qu’il s’agit de l’utilisation la plus aboutie parmi tous les différents biocombustibles. En effet, la biomasse constituée de microalgues est particulièrement adaptée à la méthanisation.
Concrètement, comment ça marche ? Les microalgues sont placées dans un digesteur, où elles fermentent sans oxygène. Ceci permet de produire un biogaz, qui se compose de 70 % à 80 % de méthane. On peut ensuite l’utiliser pour produire de l’électricité et de la chaleur ou l’injecter dans le réseau de gaz.
En réalité, il est tout à fait possible de commencer par utiliser les microalgues pour produire de l’algocarburant, puis d’utiliser la biomasse résiduelle pour produire du biogaz en la faisant fermenter. Les microalgues peuvent donc être valorisées de plusieurs façons.
Plus fascinant encore, certaines microalgues possèdent la capacité naturelle de produire de l’hydrogène grâce à des enzymes spécifiques appelées hydrogénases. Cette production s’active particulièrement en conditions de stress, offrant des perspectives révolutionnaires pour la mobilité propre et le stockage d’énergie à grande échelle.
Un fort potentiel pour les microalgues et l’algocarburant
Les microalgues ont un fort potentiel de rendement énergétique, ce qui explique notamment le fort intérêt qu’elles suscitent. Par exemple, dans le cas des algocarburants, certaines espèces de microalgues peuvent permettre de produire plus de 30 fois plus d’huile que les plantes terrestres comme le tournesol ou le colza, sur une surface identique.
Un des grands points forts des microalgues est qu’elles peuvent être cultivées sur de très petites surfaces. En outre, les surfaces utilisées ne sont pas en compétition avec les surfaces agricoles, notamment celles qui sont utilisées pour la production de denrées alimentaires. En effet, les microalgues peuvent tout à fait croître dans des eaux impropres à la culture, tout en les purifiant et en les dépolluant. Cultivables sur des terrains impropres à l’agriculture, en milieu marin ou même dans des eaux usées, elles libèrent les terres arables pour la production alimentaire. Cette caractéristique répond à l’un des défis majeurs du 21e siècle : concilier sécurité énergétique et sécurité alimentaire. Ceci est donc un vrai point fort par rapport aux biocarburants produits à base de céréales ou de plantes, en concurrence avec la satisfaction des besoins alimentaires.
Les microalgues présentent également l’avantage de ne pas se limiter à la production d’énergie. En effet, pour croître, elles ont besoin d’absorber du CO2, conformément au principe de photosynthèse. Ainsi, elles permettent de réduire la concentration en gaz à effet de serre.
Enfin, lorsque les microalgues arrivent en fin de vie, elles peuvent être utilisées pour produire de l’énergie à partir des techniques de transformation de la biomasse. Elles peuvent donc être valorisées à chaque étape de leur cycle de vie.
En raison de tous ces différents points, il existe un fort intérêt pour les microalgues et leurs applications.
Des améliorations sont encore nécessaires pour produire des algocarburants
En réalité, produire des algocarburants avec des microalgues revient encore trop cher et n’est pas vraiment rentable. Cette technologie reste donc encore peu avancée et nous n’assistons pas pour l’instant à un phénomène massif. Le principal obstacle réside dans les coûts de production, avec des investissements considérables nécessaires pour les infrastructures de culture, de récolte et de transformation. En effet, il faut encore beaucoup d’énergie pour extraire l’huile des microalgues, ce qui mine leur rentabilité énergétique. La récolte de la biomasse reste complexe et coûteuse en raison de la faible concentration des microalgues dans l’eau, et les méthodes actuelles de séparation et de concentration consomment beaucoup d’énergie. Il existe également un risque de prolifération des microalgues, provoquant des incertitudes vis à vis d’une massification de leur exploitation.
L’extraction des composés énergétiques constitue un autre défi majeur. Les procédés conventionnels nécessitent des quantités importantes d’énergie et de solvants, compromettant l’intérêt économique et environnemental de la filière.
Face à ce constat, de nombreux experts estiment qu’il reste encore 10 ans de recherches à effectuer avant de pouvoir véritablement exploiter les algocarburants. Toutefois, la recherche est très active dans ce domaine. Actuellement, plus de 2 milliards de dollars y sont alloués dans le monde, notamment aux États-Unis, en Europe et en Chine.
L’utilisation de microalgues comme biomasse pour produire du biogaz reste, à l’heure actuelle, la technologie de production d’énergie renouvelable la plus mature dans ce domaine.
Un avenir prometteur porté par l’innovation
Malgré ces défis, les perspectives d’avenir de la production d’énergie à partir de microalgues s’annoncent particulièrement encourageantes grâce aux nombreuses recherches en cours. Les techniques de biologie synthétique permettent désormais de créer des microalgues sur mesure, génétiquement optimisées pour produire plus de lipides, d’hydrogène ou d’autres composés d’intérêt.
L’approche bioraffinerie représente une voie d’optimisation particulièrement prometteuse. Cette stratégie consiste à valoriser simultanément tous les composants de la biomasse algale : énergie, alimentation, cosmétiques et produits chimiques. Cette diversification des débouchés améliore significativement la rentabilité économique et ouvre de nouvelles perspectives commerciales.
Les innovations technologiques continuent également d’améliorer les rendements et de réduire les coûts. De nouveaux systèmes de culture hybrides, des procédés d’extraction plus efficaces et des méthodes de récolte innovantes voient régulièrement le jour, rapprochant progressivement la filière de la compétitivité économique.
Les microalgues dans l’espace urbain
Certains projets intéressants voient le jour afin de capitaliser sur les différentes propriétés des microalgues. À Paris, des colonnes Morris remplies de microalgues ont été installées afin de lutter contre la pollution urbaine. Une seule colonne de ce type permet de purifier autant l’air que l’installation de 100 arbres. L’impact est donc non négligeable. Les microalgues présentes dans le dispositif peuvent ensuite être valorisées en utilisant une des différentes techniques de production d’énergie.
À Hambourg, depuis 2013, un premier immeuble possédant une façade incluant des microalgues a vu le jour. Elles sont installées dans des volets dans le but de produire de l’énergie. Lors de la photosynthèse, les microalgues dégagent de la chaleur, utilisée pour alimenter le bâtiment. Puis, comme avec les autres dispositifs, elles sont utilisées pour produire de l’énergie.
Les microalgues pourraient donc bientôt être intégrées au monde qui nous entoure dans le but de fournir de l’énergie massivement, tout en purifiant l’air, à condition de lever les freins qui subsistent encore, notamment en termes de coûts.
Envie d’en savoir plus sur les énergies renouvelables ? Découvrez nos différents articles :
À retenir
- Les microalgues peuvent doubler leur biomasse en moins de 24 heures, avec des rendements jusqu’à 30 fois supérieurs aux cultures terrestres traditionnelles comme le colza ou le tournesol.
- Ces organismes permettent de produire biodiesel, bioéthanol, biogaz et hydrogène tout en consommant du CO2 (1,8 tonne de CO2 fixé par tonne de biomasse produite).
- Deux approches de culture coexistent : les bassins ouverts (10-25 g/m²/jour, économiques) et les photobioréacteurs fermés (50-100 g/m²/jour, plus coûteux mais très performants).
- Les microalgues n’entrent pas en concurrence avec l’agriculture alimentaire et peuvent être cultivées sur des terrains impropres, en milieu marin ou dans des eaux usées.
- Les défis actuels portent sur la réduction des coûts de production et l’optimisation des procédés de récolte et d’extraction, avec encore environ 10 ans de recherche nécessaire.
- L’approche bioraffinerie, valorisant tous les composants de la biomasse algale, et les innovations en biologie synthétique ouvrent de nouvelles perspectives commerciales prometteuses.