En 2050, les énergies renouvelables représenteront 40 % de la production mondiale d’énergie selon l’Agence Internationale de l’Énergie (IEA). Mais pour atteindre ces objectifs, la question du stockage de l’électricité devient de plus en plus centrale. En effet, la production d’énergies renouvelables est intermittente : une centrale solaire ne produit pas de l’énergie en continu tout au long de la journée, et les moments de production ne correspondent pas nécessairement aux besoins en énergie de la population. Comment fonctionnent les différentes méthodes de stockage d’électricité ? Et quelles sont les dernières innovations en la matière ? Découvrez-le dès maintenant.
Pourquoi stocker de l’électricité ?
Avant toute chose, il est important de comprendre les raisons qui poussent à développer le stockage de l’électricité. Voici donc les trois principaux motifs.
Une problématique très liée à la décarbonation de l’énergie
Avec les énergies qui ne produisent pas d’émissions de carbone, la production d’énergie n’est pas forcément continue dans la journée. Par exemple, les panneaux solaires ne produisent de l’énergie que lorsqu’il y a du soleil, donc en pleine journée mais pas le soir. Pourtant, c’est en fin de journée que la consommation d’énergie est la plus élevée, notamment une fois qu’il fait nuit.
Ainsi, pour que les énergies décarbonées puissent vraiment être utilisées pour subvenir totalement aux besoins en énergie de la population, il faut pouvoir stocker l’énergie produite en journée pour l’utiliser ultérieurement.
Éviter les pénuries
Vendredi 9 août 2019, une panne d’électricité géante a eu lieu au Royaume-Uni. Elle a notamment paralysé la capitale, Londres. Que s’est-il passé ? Deux sites de production d’énergie, une centrale au gaz et un parc éolien, ont connu une défaillance au même moment.
Pour éviter ce type de situations, les réseaux disposent de réserves de production d’électricité, mais celles-ci se sont révélées être insuffisantes. La fréquence du réseau électrique a donc baissé, ce qui a provoqué la panne. Pour prévenir ce genre de problèmes, le stockage d’électricité est donc central.
La régulation de fréquence
Pour que le réseau électrique fonctionne correctement, il faut que sa fréquence soit stable à 50 Hz et qu’elle soit identique en tout point sur le réseau. Mais les déséquilibres en temps réel entre production et consommation d’énergie produisent des déséquilibres de fréquence. Si on produit plus d’électricité qu’on en consomme, la fréquence augmente. Si on consomme davantage d’électricité qu’on en consomme, la fréquence diminue.
Afin de maintenir la fréquence du réseau électrique autour des 50 Hw, des mécanismes existent. Pour ramener le système à l’équilibre, RTE, le gestionnaire du réseau électrique français, dispose notamment d’une réserve de puissance électrique auprès de plusieurs producteurs d’énergie.
Les technologies de stockage
Afin de stocker l’électricité, il est nécessaire de la transformer. Pourquoi un tel besoin ? Les électrons en tant que tels sont trop difficiles à stocker. Ainsi, on les transforme en une autre ressource, puis on les transforme à nouveau en électricité ou on les utilise sous leur nouvelle forme.
Les STEP (Stations de transformation d’énergie par pompage) et les CAES (Compressed Air Energy Storage)
Ces deux techniques de stockage de l’électricité utilisent l’énergie mécanique potentielle d’un fluide, respectivement l’eau et l’air.
Avec les STEP, on conçoit deux bassins qui sont situés à des altitudes différentes. Lorsque la demande électrique est faible, l’eau du bassin inférieur est pompée vers le bassin supérieur. Lorsque la demande est élevée, l’eau redescend vers le bassin inférieur, en passant par une turbine, ce qui génère de l’électricité. Il est maintenant possible d’installer des STEP en bord de mer, où celle-ci sert de bassin inférieur, avec un bassin supérieur au sommet d’une falaise ou bloqué par une digue.
Il s’agit de la technologie de stockage la moins chère du marché, coûtant autour de 50 € du KWh. Elle est aussi particulièrement rapide à activer. En effet, en 10 minutes, les STEP permettent de restituer 5 gigawatts, soit l’équivalent de la production de 6 réacteurs nucléaires. Ce mode de stockage représente près de 90 % des capacités de stockage en énergie actuellement.
Toutefois, l’installation des STEP est assez complexe et ne sert qu’à réguler le réseau. En effet, environ 30 % de l’énergie est perdue dans la manoeuvre, ce qui en fait une solution insuffisante pour couvrir tous les besoins en stockage.
Les CAES fonctionnent exactement de la même manière, mais en utilisant de l’air comprimé, stocké dans des cavités. La compression de l’air est notamment très gourmande en énergie, ce qui n’en fait pas un mode de stockage parfait. Dans le monde, il existe actuellement une dizaine de CAES actuellement.
Les piles et les batteries
Les piles et les batteries sont une technique universelle de stockage de l’électricité. Différentes tailles et capacités existent, correspondant à différents besoins. Elles offrent une bonne densité de stockage, donnant la possibilité de stocker beaucoup d’électricité dans un espace réduit. Grâce à une très grande réactivité, ces dernières proposent la meilleure réponse face aux aléas du réseau électrique.
Elles permettent également de bénéficier de synergies dans la recherche et développement avec le secteur des voitures électriques. En effet, ce sont souvent les constructeurs automobiles qui sont pionniers dans le domaine des batteries, à l’image de Tesla. Et ces innovations permettent de réduire progressivement les coûts liés à ce type de stockage d’électricité. En effet, ils sont en baisse depuis 10 ans.
Toutefois, les batteries et les piles sont difficiles à recycler et sont fortement dépendantes de certaines matières premières. Enfin, leur durée de vie est assez courte, rarement au delà de 10 ans.
Les volants d’inertie
Les volants d’inertie sont une technique de stockage qui fonctionne de la façon suivante. On fait tourner une masse, généralement un cylindre, à une vitesse très élevée grâce à un moteur électrique. Une fois que cette masse est lancée, on la place sous vide. Elle continue alors à tourner seule, avec un système de roulement magnétique.
Lorsqu’on a besoin d’électricité, on restitue alors l’énergie cinétique en la convertissant en électricité grâce à un moteur. Ce mode de stockage d’énergie est encore en phase d’amélioration.
Le “Power to gas”
Le “Power to gas” est une technique de stockage électrochimique. On convertit le surplus d’électricité produite en hydrogène ou en méthane. Le gaz produit peut alors être utilisé, que ce soit pour des besoins de chauffage ou pour alimenter des véhicules propres. On se sert donc du surplus d’électricité en le transformant en une autre ressource énergétique.
Envie d’en savoir plus sur la transformation de l’électricité en gaz ? Découvrez notamment notre article sur le biométhane.
Utiliser des blocs de béton
Energy Vault, une startup suisse, a inventé une technique de stockage d’énergie innovante et étonnante. Le fonctionnement est simple : en cas d’excès de production d’énergies renouvelables, une grue à 6 branches fait monter des blocs de béton en haut d’une tour de 120 mètres. Lorsqu’il y a un besoin en électricité, les blocs sont redescendus et l’énergie cinétique est transformée en électricité.
Les rendements de cette technologie de stockage sont importants et les coûts de maintenance sont très faibles. Chaque unité a une capacité de stockage de 35 MWh, avec une puissance comprise entre 2 et 5 MW. Il s’agit donc de petites unités, mais elles sont faciles à mettre en place et peuvent donc être installées à proximité de nombreuses infrastructures de production d’énergies renouvelables. Ceci est particulièrement intéressant dans un contexte de décentralisation de la production d’énergie.
Ce mode de stockage est peu cher car il n’utilise aucun matériau coûteux : les blocs de béton sont même fabriqués en déchets de construction. Autre point fort : cette technique de stockage d’électricité permet de restituer l’énergie en 3 secondes. Et la durée de vie d’un système de ce type est d’au moins 40 ans.
La startup a conclu en 2019 son premier contrat avec un des leaders indiens des énergies renouvelables.
Le stockage de l’électricité pour les particuliers
Pour les particuliers, le stockage de l’électricité est un enjeu à part entière. En effet, sans stockage, il est presque impossible d’être en autoconsommation avec son installation solaire : les heures de production ne correspondent souvent pas vraiment aux heures de consommation.
L’ADEME anticipe une baisse de 35 % du coût du photovoltaïque d’ici 2025. Ceci devrait donc encourager l’essor de l’équipement des habitations. Pour les particuliers, c’est le stockage par batterie qui est privilégié. Il devrait donc connaître une forte croissance. Ainsi, des entreprises comme Tesla ont lancé des dispositifs innovants de stockage pour particuliers. Il est aussi possible de choisir des solutions clé en main, comprenant l’installation de panneaux solaires et de dispositifs de stockage.
Avec la hausse des tarifs de l’électricité, on pourrait même envisager un scénario où il serait plus rentable de produire totalement sa propre énergie et de la stocker, plutôt que faire appel au réseau national.
Envie d’en savoir plus ? Découvrez notre article sur l’autoconsommation.
L’essor du stockage d’électricité
Avec l’essor des énergies renouvelables et l’électrification des usages, le futur de l’énergie passera nécessairement par des progrès en termes de stockage de l’électricité. En effet, l’énergie sera de plus en plus produite par des unités décentralisées et individuelles, ayant besoin de stocker leur production. C’est pourquoi il y a de nombreuses innovations dans ce secteur et une vraie volonté de le développer.
Les coûts de stockage sont en train de diminuer, ce qui permet un essor des différents dispositifs. Dans 10 ans, le stockage de masse devrait notamment coûter 10 fois moins cher qu’aujourd’hui.
À l’échelle mondiale, c’est l’Australie qui est la tête de file du stockage d’électricité, avec plus de 50 installations de stockage à grande échelle et 21 000 batteries stationnaires présentes chez des particuliers.
En Europe, c’est l’Allemagne qui est le premier marché du stockage d’électricité, avec 60 % des capacités de stockage du continent européen. Et pourquoi pas bientôt la France ? Affaire à suivre.
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