Et si les plateformes de crowdfunding remplaçaient les banques sous l’impulsion… des banques elles-mêmes ? Rencontre avec Alexandre Neuviale*, coauteur de l’ouvrage “La finance participative au service des entreprises”.
Si vous deviez décrire votre livre en quelques mots, que diriez-vous ?
L’idée première est d’apporter une approche clé en main pour les entrepreneurs et les futurs entrepreneurs mais également pour tous les réseaux qui les accompagnent, et, plus généralement, pour les entreprises. L’évangélisation doit également se passer à ce niveau.
Nous voulons aussi rassurer. Lorsque l’on parle des débuts de la finance participative, c’est souvent l’histoire de la Statue de la Liberté qui est évoquée. Nous revenons plus longtemps en arrière : la finance est en réalité née participative. C’est après, lorsqu’il a fallu gérer de plus gros volumes, qu’il y a eu besoin d’intermédiation. Aujourd’hui, nous revenons aux origines.
Nous abordons aussi l’aspect concret : comment le financement participatif marche-t-il ? Pourquoi utiliser ce moyen de financement ?, Pourquoi s’orienter vers de la dette ou du capital ?, etc.
Nous souhaitions ainsi présenter le financement participatif à la fois comme une alternative crédible et l’expliquer en pratique.
Pourquoi vouliez-vous publier cet ouvrage : quelles sont vos ambitions ?
Nous voulions un livre tout public qui puisse toucher à la fois les entrepreneurs et les réseaux d’accompagnement, mais aussi les étudiants en finance et les financiers d’entreprise. Aujourd’hui, lorsque le crowdfunding est décrit, par exemple à la télévision, c’est souvent en gros, très vulgarisé. Il est donc difficile d’adhérer. D’un autre côté, il y a des articles vraiment de fond, écrits par des experts, qui vont beaucoup plus dans le détail. Nous souhaitions faire le pont entre les deux.
Notre ambition est également de suggérer aux pouvoirs publics une direction à donner. Il y a déjà les associations, comme Financement Participatif France, qui le font mais, nous aussi, nous souhaitions apporter nos idées.
Il y a donc, d’une part, l’ambition pédagogique et, d’autre part, l’aspect recommandation.
Vous venez de l’univers de la banque, qu’est-ce qui vous a donné le goût du crowdfunding ?
C’est avant tout un intérêt pour le financement de l’entreprise. Le financement est la clé pour la dynamique entrepreneuriale.
Le financement participatif pour les entrepreneurs : modèle éphémère ou solution pérenne ?
Nous pensons que c’est une solution pérenne qui peut bouleverser la finance d’entreprise. C’est aussi pour cela que nous avons écrit le livre. Nous le pensons pour plusieurs raisons.
La première, c’est que le besoin de financement existera toujours. Il y a de plus en plus de projets. Les banques ne pourront pas tout financer.
Ensuite, il y a aussi l’aspect social. C’est plus qu’un mode de financement. Un nouveau pouvoir est donné aux entrepreneurs : celui de communiquer. Ce nouveau pouvoir est très important. Il y a un vrai potentiel à capitaliser sur cette base de prêteurs qui peuvent devenir des clients, partenaires…
La finance participative implique une transparence accrue en rendant publiques des choses qui ne l’étaient pas. Elle implique donc aussi l’exemplarité du comportement des dirigeants d’entreprises. Avant la renaissance de la finance participative, les impayés de prêt d’une entreprise restaient confidentiels. Demain, si un entrepreneur, qui a emprunté en financement participatif, fait défaut, il a aussi une partie publique à assumer.
Nous regardions en souriant une étude sur la pérennité d’Internet et du commerce électronique réalisée en 1996 auprès de dirigeants de grandes entreprises. Plus de la moitié affirmaient alors que ce n’était qu’un effet de mode… C’était il y a 20 ans ! C’est un peu, selon nous, la même chose avec le financement participatif.
Selon vous, financement participatif vs banque c’est plutôt : pour compléter ou pour remplacer ?
Il y a deux points liés à la réalité de terrain dont nous avons conscience.
C’est d’abord pour compléter car, dans plus de 90% des cas, les petites entreprises vont rechercher leur financement dans les banques. Il faudra donc du temps.
Ensuite, les Français sont particulièrement averses au risque. Prêter à une entreprise, c’est faire tomber la barrière de l’intermédiation bancaire. Prêter en direct prendra également du temps !
Mais plus loin dans l’avenir, le financement participatif pourrait les remplacer, sur la partie “dette”. Les banques pourraient même y voir un intérêt. Le temps des années 80 avec des taux à 20% est terminé ! Aujourd’hui, le taux quasiment nul pousse vers la sortie de ce métier les banques. Dans les années 90, les banques jouaient un rôle de conseil pour des grandes entreprises qui allaient elles-mêmes chercher par la suite leurs financements sur les marchés.
Aujourd’hui, les banques pourraient imaginer refaire la même chose mais avec des plus petites entreprises. Elles ont les réseaux, une expertise dans l’analyse, une forte concentration de projets d’entreprises… Elles pourraient travailler avec les plateformes de financement participatif et prendre une commission d’intermédiation tout en faisant porter le risque aux crowdfundeurs !
A terme donc oui, les plateformes de financement participatif pourraient remplacer les banques et peut-être… sous leur impulsion, voire aux côtés des entreprises en excédent de trésorerie qui pourraient également financer à court terme d’autres entreprises par ce moyen.
Votre livre est-il plutôt “crowd” ou plutôt “funding” ?
C’est d’abord le moyen de se financer mais aussi d’alerter, de rassurer sur les risques qui y sont liés. L’origine du livre est d’expliquer comment le “participatif” pouvait contribuer aux projets d’entreprises.
Vous aussi vous êtes convaincu que le participatif peut booster l’économie réelle ? Tous ceux qui pensent comme vous sont sur : www.lendopolis.com
Qui sont les auteurs ?
*Alexandre Neuviale, ancien directeur d’agence bancaire et chargé d’affaires auprès des professionnels, est aujourd’hui consultant et formateur en finance d’entreprise.
Ancien trésorier et directeur financier, Didier Voyenne est contrôleur de gestion à la Caisse des dépôts et consignations et professeur associé au CNAM.