Depuis janvier 2020, l’agence de notation Fitch Ratings a abaissé les notes de plus de 400 entreprises. Ceci n’était pas arrivé depuis 2009. L’année 2020 est donc le théâtre d’un pic important de dégradation des notes, commun à toutes les différentes agences. Mais ces modifications peuvent avoir des conséquences importantes sur le plan économique. Leur rôle prépondérant est même souvent remis en question. Alors, comment fonctionnent les agences de notation ? Découvrez-le dès maintenant.
Une agence de notation : qu’est-ce que c’est ?
Une agence de notation est une entreprise dont le rôle est d’évaluer le risque de défaut de la part d’un emprunteur : sera-t-il en mesure de rembourser les sommes qu’il emprunte ? Les emprunteurs étudiés peuvent être des États, des collectivités et des entreprises privées ou publiques. L’influence de ces agences est particulièrement forte car les investisseurs se fient à ces évaluations pour effectuer des arbitrages dans leurs investissements. Elles ont donc un impact considérable sur les marchés.
Actuellement, il est existe trois principales agences de notation dans le monde : Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch Ratings. Ces agences sont surtout devenues centrales dans le monde de l’évaluation financière dans les années 1980, même si elles ont vu le jour entre la fin du 19e siècle et le début du 20e siècle.
Comment sont réalisées les notations ?
Jusqu’au milieu du 20e siècle, les agences de notation étaient financées par les investisseurs qui souhaitaient accéder aux notations des différents emprunteurs. Désormais, c’est l’emprunteur qui paye l’agence de notation afin d’être évalué. L’agence de notation collecte alors les informations nécessaires directement auprès de l’emprunteur afin de réaliser son analyse de risques, mais sans réaliser d’audit financier. Dans certains cas, les notations sont effectuées même si elles n’ont pas été sollicitées. Elles sont alors basées sur des données publiques. Quoi qu’il en soit, l’agence de notation appuie également son analyse sur des données macro-économiques.
Les critères de notation sont disponibles de façon transparente sur les sites des agences de notation. Les résultats sont également communiqués publiquement. Chaque année, les notes sont révisées. De nouvelles évaluations peuvent même avoir lieu plusieurs fois en cours d’année si des éléments viennent modifier l’analyse effectuée.
Les systèmes de notation
Les systèmes de notation dépendent de chaque agence : ils diffèrent de l’une à l’autre, même s’ils présentent des similitudes. Les notes vont toujours de D à A, avec des échelons intermédiaires. La note la plus élevée est le fameux AAA, signifiant que le risque de faillite est extrêmement faible, alors qu’un D correspond à une faillite. Dès qu’un investissement entre dans la catégorie des notes en B, il est considéré comme spéculatif, alors qu’un placement dans la catégorie C correspond à un risque de défaut important.
Le club des pays notés AAA est assez restreint : il ne compte que 11 pays dans le monde. Il comprend notamment l’Allemagne, le Danemark et les Pays-Bas. La France était également notée AAA jusqu’au début des années 2010. À l’inverse, le Venezuela et le Mozambique sont considérés comme incapables de rembourser leurs dettes.
Quel est l’impact de ces notations ?
Le but premier des agences de notation n’est pas d’avoir un impact sur le cours des titres sur les marchés. Toutefois, elles ont mécaniquement cet effet car elles ont une influence très importante sur la confiance des investisseurs dans les titres. Ainsi, une dégradation de la note d’une entité entraîne systématiquement une baisse du cours de ses titres sur les marchés. Les investisseurs suivent donc de très près les évaluations des agences de notation.
En conséquence, une entreprise bien notée obtient des taux d’intérêt plus faibles lorsqu’elle souhaite réaliser un emprunt, et inversement en cas de mauvaise note. Ainsi, une entité mal notée pourra de moins en moins se permettre d’emprunter car on lui proposera des taux d’intérêt de plus en plus élevés. Ceci est notamment dangereux pour les pays fortement endettés.
Les investisseurs institutionnels surveillent particulièrement les conclusions des agences de notation avant d’investir : ils ne se tournent que vers des entités qui sont bien notées, considérées comme non-spéculatives. Ainsi, si un acteur est rétrogradé, il rencontrera des difficultés croissantes pour obtenir des financements.
Les agences de notation et la crise des subprimes
Lors de la crise des subprimes de 2008, le rôle des agences de notation a été critiqué. En effet, elles ont noté AAA certains placements en sous-évaluant le risque encouru par les investisseurs. Elles ont longtemps refusé de dégrader la note attribuée, ce qui a continué à encourager les investisseurs à se tourner vers des placements qui semblaient pourtant risqués. Lors de l’éclatement de la bulle immobilière, elles ont abaissé leurs notes brutalement, ce qui a provoqué un choc économique violent. Globalement, les agences de notation peuvent avoir un rôle d’accélérateur dans les crises financières.
Les limites des agences de notation
En réalité, les critiques à l’encontre des agences de notation sont nombreuses. Tout d’abord, elles sont sujettes à des conflits d’intérêt, ce qui amoindrit leur fiabilité. En effet, vu que ce sont les entités évaluées qui les rémunèrent, elles dépendent d’eux sur le plan financier, ce qui limite leur neutralité.
On voit également que leurs évaluations ne sont pas toujours fiables car il est difficile d’estimer la santé financière d’une entité. C’est pourquoi certaines agences de notation ont connu des échecs. Par exemple, Vivendi Universal a été noté AAA deux semaines avant sa faillite. Autre exemple : au coeur de la bulle internet, 90 % des notes attribuées aux entreprises du secteur étaient positives alors qu’elles étaient très endettées. La baisse des notes n’a eu lieu qu’en 2002, lorsque les indices boursiers avaient déjà perdu 40 % en 2 ans. On voit donc que les agences de notation ont quelques difficultés à anticiper les crises. Et l’abaissement d’une note avec un peu de retard à tendance à aggraver encore plus les difficultés.
C’est notamment ce que l’on a observé dans le cas de la Grèce. En effet, le pays a d’abord rencontré une crise économique car son déficit était trop important. Trois mois de négociations européennes ont alors eu lieu autour d’un plan de sauvetage. Mais Standard and Poor’s a attendu 3 mois pour abaisser la note du pays. Ce changement à retardement a fait plonger encore plus la Grèce dans la crise car elle ne pouvait alors plus emprunter sur les marchés car on ne lui proposait que des taux trop élevés.
Actuellement, certains craignent qu’un scénario similaire se produise avec l’Italie. En effet, certaines agences de notation ont menacé de baisser la note du pays, ce qui pourrait avoir des conséquences très lourdes sur le plan économique.
Une réforme des agences de notation à venir
Pour répondre à ces différentes critiques, l’Europe a décidé de réglementer les agences de notation. En effet, avant la crise des subprimes, elles n’étaient pas supervisées et n’avaient pas de responsabilités. Elles pouvaient uniquement se soumettre à un code de conduite mis en place en 2003, si elles le souhaitaient.
En 2010, une nouvelle réglementation a été adoptée à l’échelle européenne. L’AEMF (Autorité Européenne des Marchés Financiers) s’occupe de la surveillance des différentes agences qui travaillent en Europe. Pour plus de transparence, les agences de notation doivent désormais rendre leurs modèles et leurs analyses publics. Et les obligations imposées sont désormais juridiquement contraignantes.
Enfin, afin de limiter les conflits d’intérêt, un investisseur ne peut pas détenir plus de 5 % du capital de deux agences de notation différentes et une agence ne peut pas noter une entité dont elle détient plus de 10 % du capital.
Mais est-il encore pertinent qu’elles conservent autant d’importance et d’impact ? Globalement, de nombreux acteurs plaident pour une limitation de leur rôle. Affaire à suivre.
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