Le gaz naturel est une ressource énergétique omniprésente dans notre quotidien, mais son parcours depuis les profondeurs de la Terre jusqu’à nos foyers est un processus industriel complexe. Loin d’être un simple forage, l’extraction de cette énergie fossile fait appel à des technologies sophistiquées, adaptées aux caractéristiques de chaque gisement. Comprendre ces différentes approches est essentiel pour saisir les enjeux techniques, mais aussi environnementaux, d’une industrie en pleine mutation, à l’heure où la transition vers les énergies renouvelables s’accélère. 🌍
Ces distinctions en termes de gisements sont fondamentales, car elles dictent les méthodes d’extraction et les défis techniques et environnementaux associés.
Gaz conventionnel vs non-conventionnel : deux mondes souterrains
Pour comprendre les processus d’extraction, il est crucial de différencier ces deux catégories principales de gaz naturel, dont la géologie marque profondément l’approche technique.
Le gaz conventionnel : l’extraction accessible
Le gaz conventionnel est le plus simple à extraire. Il se trouve piégé dans des roches réservoirs poreuses et perméables, comme le grès. Ces formations géologiques agissent un peu comme une éponge naturelle, retenant le gaz sous une couche de roche imperméable qui l’empêche de s’échapper.
Pour le récupérer, un forage vertical suffit généralement. Il perce la couche de couverture pour atteindre le réservoir, et la pression naturelle du gisement pousse le gaz vers la surface. Avec le temps, si la pression diminue, des pompes peuvent prendre le relais. Cette méthode traditionnelle offre d’excellents taux de récupération, souvent autour de 80 %.
💡 Astuce : La pression naturelle des gisements conventionnels est si importante qu’elle peut faire jaillir le gaz spontanément lors des premiers forages, d’où l’importance des systèmes de sécurité sur les puits.
Alors que le gaz conventionnel bénéficie de conditions géologiques qui facilitent son extraction, la situation est tout autre pour son homologue non-conventionnel, qui présente des défis technologiques bien plus complexes.
Le gaz non-conventionnel : le défi technologique
Effectivement, le gaz non conventionnel, contrairement au gaz conventionnel, est emprisonné dans des formations rocheuses très peu perméables, ce qui le rend beaucoup plus difficile à extraire. Il existe plusieurs types de gaz non conventionnels :
- Le gaz de schiste : Il est contenu directement dans la roche-mère argileuse où il s’est formé.
- Le gaz de houille : Il est absorbé à la surface des veines de charbon.
- Le gaz compact (ou « tight gas ») : Il est piégé dans des réservoirs de grès ou de calcaire à la perméabilité quasi nulle.
Dans ces cas, la roche ne laisse pas le gaz circuler. Un simple puits vertical serait donc inefficace. Son exploitation exige des technologies de pointe, comme le forage horizontal combiné à la fracturation hydraulique, pour libérer le gaz de sa prison minérale.
Ces distinctions étant claires, comment les entreprises parviennent-elles à localiser et à extraire ces précieuses ressources des entrailles de la Terre ?
À la recherche de l’or bleu : les secrets du forage
Que l’on vise un gisement conventionnel ou non, le voyage de l’extraction débute invariablement bien avant le déploiement des derricks, par une phase d’exploration méticuleuse et indispensable.
L’exploration : trouver les gisements
La première étape est une véritable chasse au trésor géologique. Des sismologues et des géologues analysent la structure des sous-sols à l’aide de la prospection sismique. En envoyant des ondes acoustiques dans le sol et en analysant leur écho, ils créent une image 3D des couches rocheuses jusqu’à plusieurs kilomètres de profondeur.
Cette cartographie permet d’identifier les « pièges » où les hydrocarbures ont pu s’accumuler. Si une zone semble prometteuse, un forage d’exploration est entrepris pour confirmer la présence de gaz et en évaluer la quantité.
Type de gisement | Coût d’exploration (par puits) | Durée moyenne | Taux de succès |
---|---|---|---|
Gaz conventionnel | 2-5 millions € | 30-60 jours | 60-80% |
Gaz de schiste | 8-15 millions € | 90-120 jours | 40-60% |
Gaz offshore | 20-50 millions € | 180-365 jours | 30-50% |
Une fois qu’un gisement prometteur a été identifié par ces coûteuses et longues phases d’exploration, le processus passe à l’étape concrète de l’accès au gaz : le forage.
Forage vertical et horizontal : deux approches complémentaires
Effectivement, une fois le gisement confirmé, l’étape suivante consiste à installer une tour de forage (ou derrick). Celle-ci manœuvre un trépan, une tête de forage ultra-résistante, pour creuser le puits. Le forage vertical, qui consiste à percer droit vers le bas, est la méthode historique pour les gisements conventionnels.
Pour les gaz non conventionnels, ou les réservoirs très étendus mais peu épais, le forage horizontal est devenu la norme. Cette technique consiste à forer verticalement jusqu’à la couche de roche cible, puis à incurver la trajectoire du puits pour continuer à l’horizontale sur plusieurs kilomètres. Cela maximise la surface de contact avec la roche et décuple la productivité du puits.
Pro tip : Un seul puits horizontal peut remplacer jusqu’à 20 puits verticaux traditionnels, réduisant considérablement l’empreinte environnementale en surface.
Si le forage horizontal est une avancée majeure, notamment pour les gisements non conventionnels, il est souvent complété par une autre technique controversée pour maximiser la production : la fracturation hydraulique.
La fracturation hydraulique : une technique controversée
Pour les gisements non conventionnels, et notamment pour libérer le gaz des roches comme le schiste, l’industrie fait couramment recours à une technique de stimulation spécifique : la fracturation hydraulique. Une fois le forage horizontal en place, un mélange d’eau, de sable et d’une faible part de produits chimiques est injecté sous très haute pression.
Cette opération fissure la roche sur une large zone. Le sable agit comme un « agent de soutènement », maintenant les microfissures ouvertes pour que le gaz puisse s’écouler vers le puits. Bien qu’efficace, cette technique est controversée en raison de sa consommation élevée en eau et des risques de contamination des nappes phréatiques qu’elle engendre.
Une fois que le gaz a été libéré de sa prison souterraine et remonté à la surface, le processus d’extraction est loin d’être terminé. Il faut alors le préparer pour qu’il puisse être acheminé et utilisé en toute sécurité.
Après l’extraction : la transformation du gaz brut en énergie
En effet, le gaz qui remonte du puits n’est pas encore prêt à l’emploi. Ce gaz « brut », chargé d’impuretés, doit subir plusieurs traitements indispensables pour devenir sûr et compatible avec nos installations.
Le traitement : une étape de purification essentielle
Acheminé vers une usine de traitement, le gaz brut est d’abord séparé de ses composants. On retire les hydrocarbures plus lourds comme le propane et le butane (vendus séparément comme gaz de pétrole liquéfié ou GPL) et le pétrole léger.
Vient ensuite « l’adoucissement », qui élimine les éléments corrosifs et toxiques comme le sulfure d’hydrogène. Enfin, la déshydratation retire toute trace d’eau, ce qui empêche la formation de bouchons de glace dans les canalisations durant le transport.
Une fois purifié et sécurisé, le gaz ne représente plus de danger pour les infrastructures de transport. Il est alors prêt pour un acheminement parfois long, et des stratégies de stockage sont mises en œuvre pour assurer un approvisionnement constant.
Le transport et le stockage : assurer un flux continu
C’est ainsi que, une fois purifié, le gaz est enfin prêt pour son grand voyage. Sur terre, il circule dans de vastes réseaux de gazoducs souterrains. Pour traverser les océans, il est refroidi à -161 °C et se transforme en gaz naturel liquéfié (GNL).
Ce processus incroyable réduit son volume de 600 fois, permettant son transport par des navires spécialisés, les méthaniers. À l’arrivée, le GNL est regazéifié avant d’être injecté dans le réseau de distribution.
Pour garantir un approvisionnement stable, notamment lors des pics de froid en hiver, le gaz est aussi stocké dans d’immenses sites souterrains. Comme le souligne le rapport statistique de BP, la flexibilité offerte par le GNL et le stockage est de plus en plus cruciale pour la sécurité énergétique mondiale.
Les répercussions environnementales de l’extraction du gaz naturel
L’extraction du gaz naturel, bien que moins polluante que celle du charbon ou du pétrole, génère des impacts environnementaux significatifs qu’il est essentiel de comprendre pour évaluer les véritables coûts de cette énergie fossile.
Émissions de méthane : un gaz à effet de serre puissant
Le méthane (CH₄), composant principal du gaz naturel, est un gaz à effet de serre 25 fois plus puissant que le CO₂ sur une période de 100 ans. Les fuites lors de l’extraction, du transport et du stockage représentent un enjeu climatique majeur. Selon l’Agence internationale de l’énergie, ces émissions fugitives peuvent annuler une partie des bénéfices climatiques du gaz par rapport au charbon.
Impact sur les ressources hydriques
La fracturation hydraulique consomme d’énormes quantités d’eau : entre 15 000 et 25 000 m³ par puits. Cette eau, mélangée à des produits chimiques, peut contaminer les nappes phréatiques si les systèmes d’étanchéité défaillent. Les eaux de reflux, remontant à la surface après la fracturation, contiennent des substances toxiques et radioactives qui nécessitent un traitement spécialisé.
Risques sismiques induits
L’injection d’eaux usées dans des puits profonds et la fracturation hydraulique peuvent déclencher des séismes induits. L’Oklahoma, par exemple, a vu sa sismicité multipliée par 600 depuis le développement du gaz de schiste. Bien que généralement de faible magnitude, ces tremblements de terre peuvent endommager les infrastructures locales.
Perturbation des écosystèmes
L’implantation de sites d’extraction fragmente les habitats naturels et perturbe la biodiversité locale. Les routes d’accès, les plateformes de forage et les infrastructures associées modifient durablement le paysage. La pollution sonore et lumineuse des opérations 24h/24 affecte également la faune locale, notamment les oiseaux migrateurs.
Qualité de l’air et santé publique
Les sites d’extraction émettent des composés organiques volatils (COV), des oxydes d’azote et des particules fines qui dégradent la qualité de l’air. Les communautés vivant à proximité des sites d’extraction rapportent des problèmes respiratoires, des maux de tête et d’autres troubles de santé. Les torchères, qui brûlent l’excès de gaz, libèrent du CO₂ et des polluants atmosphériques.
💡 Vers des pratiques plus durables
Face à ces défis, l’industrie développe des technologies plus propres : captage des émissions de méthane, recyclage des eaux de fracturation, utilisation de fluides de fracturation « verts » et surveillance sismique en temps réel. Cependant, ces améliorations ne suffisent pas à éliminer totalement l’empreinte environnementale de l’extraction gazière.
À retenir
- Le gaz conventionnel se trouve dans des roches poreuses et est facile d’accès, tandis que le gaz non conventionnel est piégé dans des roches imperméables.
- Le forage horizontal et la fracturation hydraulique sont des technologies clés pour exploiter les gisements non conventionnels comme le gaz de schiste.
- Le gaz brut extrait doit être purifié pour retirer l’eau, les composés soufrés et d’autres hydrocarbures avant d’être utilisé.
- Le gaz est transporté par gazoducs ou sous forme liquéfiée (GNL) par navire, une méthode qui réduit son volume de 600 fois.
- Bien qu’essentiel aujourd’hui, le gaz naturel reste une énergie fossile dont l’extraction est complexe et a un impact environnemental, renforçant la nécessité d’accélérer la transition vers des énergies 100 % renouvelables.