Bonne nouvelle pour l’entreprenariat français : les entreprises pourront désormais se prêter entre elles avec les minibons sur les plateformes de financement participatif. Mais qu’en pensent les premiers concernés ? LENDOPOLIS a posé la question à quelques entrepreneurs !
Se prêter pour étendre la valeur commerciale
Matthieu Queval, dirigeant de My Green Shop
« Il y a des entreprises qui ont une trésorerie positive et d’autres une négative : c’est une bonne chose qu’elles puissent s’entraider », avance Matthieu Queval. Pour le dirigeant, le point clé est le prêt entre clients et fournisseurs : « Ils nous connaissent et ont un intérêt à ce que nous nous développions. Ils pourraient financer à un taux avantageux. Tout l’avantage du prêt serait de rapporter des commandes. Se prêter entre clients et fournisseurs pour étendre la valeur commerciale, c’est la véritable valeur ajoutée : ne pas prêter pour les intérêts mais pour faire accroître son business. » Le chef d’entreprise s’imagine ainsi bien, à terme, emprunter à d’autres sociétés. Quant aux types d’entreprises qui pourraient prêter, il développe : « C’est plus une question de trésorerie que de taille : il faut avoir une solidité financière, quelques années d’existence, plusieurs millions de chiffre d’affaires… »
Pourquoi pas mais…tout dépendra de la fiscalité
Philippe Mouillard, dirigeant de Bio à la Une
« C’est une bonne chose. Maintenant, est-ce que cela va marcher sur le long terme ? Est-ce que cela sera soumis à l’impôt, est-ce qu’il y aura des déductions fiscales… ? » se pose comme questions l’entrepreneur. Pour ce dernier, les prêts interentreprises pourraient être freinés par une fiscalité trop lourde voire identique à celle des particuliers. « Pour une entreprise, cela aurait du sens si elle est exonérée d’impôts. Pour celle qui prête sa trésorerie, si cette forme de placement est soumise à l’impôt et présente un plus grand risque, je doute de l’efficacité », précise le dirigeant. Il voit cependant, dans ce système de prêt, « un bon moyen d’intéresser des partenaires ». Alors, tenté par l’expérience ? « Si cette règle fiscale est éclaircie, pourquoi pas. Mais s’il y a une pression fiscale, je ne pense pas ! »
Dans l’expectative de voir…
Jerôme Naslin, dirigeant d’Easypics
« C’est une bonne chose. Mais tant que nous ne connaissons pas les plafonds…Si c’est pour dire qu’une entreprise peut prêter 1 000 euros, cela n’est pas intéressant », explique Jêrome Naslin. Il imagine plutôt des prêts entre entreprises de 10 000 ou 50 000 euros. « La dernière fois que je m’étais penché dessus, il fallait qu’il y ait une relation client-fournisseur. Il ne faut pas limiter à cela ! », précise-t-il également*. Pour les entreprises-prêteuses, il évoque, par exemple, ENGIE qui a constitué un fonds pour investir dans des entreprises innovantes. « Typiquement, cela pourrait être ça. Je pense que cela doit être pareil pour tous les grands groupes », souligne le dirigeant. « Pour les ETI voire les belles PME qui ont de la trésorerie, elles ont tout intérêt à prêter. Mais tout dépendra des précisions qui seront apportées… » évoque-t-il.
Le dirigeant d’Easypics ajoute : « En tant qu’entreprise, la seule chose que nous pouvons faire, ce sont les SICAV monétaires**. Et par rapport à cela, il n’y a même pas photo ! Je connais un paquet de belles PME et ETI qui ont des trésors de guerre. Ce serait une belle manière de dynamiser. » Si Jerôme Naslin salue l’initiative, il reste tout de même dans l’expectative de voir où les choses se joueront pour les plafonds : « Même pour les particuliers, 1 000 euros par projet, c’est trop faible ! »
Entreprises prêteuses : les grands groupes ou PME d’une certaine taille
Frédéric Pedro, dirigeant de Polm Studio
« Tous les moyens de financement pour une PME sont les bienvenus ! » débute l’entrepreneur. Il imagine cependant des entreprises prêteuses plutôt comme « Total ou Michelin, avec une politique de soutien des PME. » Le chef d’entreprise pense également à La Poste ou à des compagnies d’assurance qui « pourraient aussi avoir un axe de développement des PME, allant de pair avec leur communication. » Et pourquoi pas des PME de 100–200 salariés ? « L’entreprise pourrait prêter 20 000 euros, cela ne la mettra pas par terre. » Il souligne finalement un avantage : le renforcement des relations clients-fournisseurs.
*Avec les minibons, bons de caisse dédiés aux plateformes de financement participatif, qui feront leur entrée en octobre 2016, plus besoin, comme dans le prêt classique interentreprise d’avoir un lien entre les sociétés prêteuses et emprunteuses.
** Les SICAV monétaires sont des placements à court terme. Ils sont en général utilisés pour la gestion de trésorerie des entreprises. Ils permettent ainsi de placer des surplus temporaires de liquidité.